Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/44

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Ta fille est belle… Ha ! ha ! c’est toi, Colette ;
Ma chère enfant, ta fortune est donc faite ?
Mathurin est ton mari ?

COLETTE.

Mathurin est ton mari ? Mon Dieu, non.

CHAMPAGNE.

Il fait fort mal.

COLETTE.

Il fait fort mal. Le traître, le fripon,
Croit dans l’instant prendre Acanthe pour femme.

CHAMPAGNE.

Il fait fort bien ; je réponds sur mon âme
Que cet hymen à mon maître agréera,
Et que la noce à ses frais se fera.

ACANTHE.

Comment ! il vient ?

CHAMPAGNE.

Comment ! il vient ? Peut-être ce soir même.

DIGNANT.

Quoi ! ce seigneur, ce bon maître que j’aime,
Je puis le voir encore avant ma mort ?
S’il est ainsi, je bénirai mon sort.

ACANTHE.

Puisqu’il revient, permettez, mon cher père,
De vous prier, devant ma belle-mère,
De vouloir bien ne rien précipiter
Sans son aveu, sans l’oser consulter ;
C’est un devoir dont il faut qu’on s’acquitte ;
C’est un respect, sans doute, qu’il mérite.

MATHURIN.

Foin du respect !

DIGNANT.

Foin du respect ! Votre avis est sensé ;
Et comme vous en secret j’ai pensé.

MATHURIN.

Et moi, l’ami, je pense le contraire.

COLETTE, à Acanthe.

Bon, tenez ferme.

MATHURIN.

Bon, tenez ferme. Est un sot qui diffère.
Je ne veux point soumettre mon honneur,
Si je le puis, à ce droit du seigneur.