Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/542

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Sur un ordre du prince il détruisit la ville
Où l’amour autrefois lui fournit un asile.
Oui, les chefs, les soldats, à nuire condamnés,
Font toujours tous les maux qui leur sont ordonnés :
Nous en voyons ici la preuve trop sensible
Dans l’arrêt émané d’un tribunal horrible ;
De tous mes compagnons à peine une moitié
Pour l’innocente Arzame écoute la pitié,
Pitié trop faible encore, et toujours chancelante !
L’autre est prête a tremper sa main vile et sanglante
Dans ce cœur si chéri, dans ce généreux flanc,
A la voix d’un pontife altéré de son sang.

LE JEUNE ARZÉMON

Cher ami, rendons grâce au sort qui nous protège ;
On ne commettra point ce meurtre sacrilège :
Iradan la soutient de son bras protecteur,
Il voit ce fier pontife avec des yeux d’horreur,
Il écarte de nous la main qui nous opprime.
Je n’ai plus de terreur, il n’est plus de victime ;
De la Perse a nos pas il ouvre les chemins.

MÉGATISE

Tu penses que, pour toi, bravant ses souverains,
Il hasarde sa perte ?

LE JEUNE ARZÉMON

Il le dit, il le jure ;
Ma sœur ne le croit point capable d’imposture :
En un mot nous partons. Je ne suis affligé
Que de partir sans toi, sans m’être encor vengé,
Sans punir les tyrans.

MÉGATISE

Tu m’arraches des larmes.
Quelle erreur t’a séduit ? de quels funestes charmes,
De quel prestige affreux tes yeux sont fascinés !
Tu crois qu’Arzame échappe à leurs bras forcenés ?

LE JEUNE ARZÉMON

Je le crois.

MÉGATISE

Que du fort on doit ouvrir la porte ?

LE JEUNE ARZÉMON

Sans doute.

MÉGATISE

On te trahit ; dans une heure elle est morte.