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LE JEUNE ARZÉMON

Non, il n’est pas possible ; on n’est pas si cruel.

MÉGATISE

Ils ont fait devant moi le marché criminel ;
Le frère d’Iradan, ce Césène, ce traître,
Trafique de sa vie, et la vend au grand-prêtre :
J’ai vu, j’ai vu signer le barbare traité.

LE JEUNE ARZÉMON

Je meurs !… Que m’as-tu dit ?

MÉGATISE

L’horrible vérité.
Hélas ! elle est publique, et mon ami l’ignore !

LE JEUNE ARZÉMON

Ô monstres ! Ô forfaits !… Mais non, je doute encore…
Ah ! Comment en douter ? Mes yeux n’ont-ils pas vu
Ce perfide Iradan devant moi confondu ?
Des mots entrecoupés suivis d’un froid silence,
Des regards inquiets que troublait ma présence,
Un air sombre et jaloux, plein d’un secret dépit ;
Tout semblait en effet me dire : Il nous trahit.

MÉGATISE

Je te dis que j’ai vu l’engagement du crime,
Que j’ai tout entendu, qu’Arzame est leur victime.

LE JEUNE ARZÉMON

Détestables humains ! Quoi ! Ce même Iradan…
Si fier, si généreux !

MÉGATISE

N’est-il pas courtisan ?
Peut-être il n’en est point qui, pour plaire à son maître,
Ne se chargeât des noms de barbare et de traître.

LE JEUNE ARZÉMON

Puis-je sauver Arzame ?

MÉGATISE

En ce séjour d’effroi
Je t’offre mon épée, et ma vie est à toi.
Mais ces lieux sont gardés, le fer est sur sa tête,
De l’horrible bûcher la flamme est toute prête ;
Chez ces prêtres sanglants nul ne peut aborder…
L’arrêtant.
Où cours-tu, malheureux ?

LE JEUNE ARZÉMON

Peux-tu le demander ?