Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/89

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Que feriez-vous, s’il vous plaît, à ma place ?

DORMÈNE.

En tous les temps je me ferais honneur
De consulter votre esprit, votre cœur.

LE MARQUIS.

Ah !…

DORMÈNE.

Ah !… Qu’avez-vous ?

LE MARQUIS.

Ah !… Qu’avez-vous ? Je n’ai rien… Mais, madame,
En quel état est Acanthe ?

DORMÉNE.

En quel état est Acanthe ? Son âme
Est dans le trouble, et ses yeux dans les pleurs.

LE MARQUIS.

Daignez m’aider à calmer ses douleurs.
Allons, j’ai pris mon parti : je vous laisse ;
Soyez ici souveraine maîtresse,
Et pardonnez à mon esprit confus,
Un peu chagrin, mais plein de vos vertus.

(Il sort.)



Scène X.



DORMÈNE.

Dans cet état quel chagrin peut le mettre ?
Qu’il est troublé ! j’en juge par sa lettre ;
Un style assez confus, des mots rayés,
De l’embarras, d’autres mots oubliés.
J’ai lu pourtant le mot de mariage.
Dans le pays il passe pour très-sage.
Il veut me voir, me parler, et ne dit
Pas un seul mot sur tout ce qu’il m’écrit !
Et pour Acanthe il paraît bien sensible !
Quoi ! voudrait-il ?… cela n’est pas possible.
Aurait-il eu d’abord quelque dessein
Sur son parent ?… demandait-il ma main ?
Le chevalier jadis m’a courtisée ;
Mais qu’espérer de sa tête insensée ?
L’amour encor n’est point connu de moi ;
Je dus toujours en avoir de l’effroi ;
Et le malheur de Laure est un exemple
Qu’en frémissant tous les jours je contemple :
Il m’avertit d’éviter tout lien ;
Mais qu’il est triste, ô ciel ! de n’aimer rien ?