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ACTE CINQUIÈME.




Scène I.



LE MARQUIS, LE CHEVALIER.


LE MARQUIS.

Faisons la paix, chevalier ; je confesse
Que tout mortel est pétri de faiblesse,
Que le sage est peu de chose ; entre nous,
J’étais tout prêt de l’être moins que vous.

LE CHEVALIER.

Vous avez donc perdu votre gageure ?
Vous aimez donc ?

LE MARQUIS.

Vous aimez donc ? Oh ! non, je vous le jure ;
Mais par l’hymen tout prêt de me lier,
Je ne veux plus jamais me marier.

LE CHEVALIER.

Votre inconstance est étrange et soudaine.
Passe pour moi, mais que dira Dormène ?
N’a-t-elle pas certains mots par écrit,
Où par hasard le mot d’hymen se lit !

LE MARQUIS.

Il est trop vrai ; c’est là ce qui me gêne.
Je prétendais m’imposer cette chaîne ;
Mais à la fin, m’étant bien consulté,
Je n’ai de goût que pour la liberté.

LE CHEVALIER.

La liberté d’aimer ?

LE MARQUIS.

La liberté d’aimer ? Eh bien ! si j’aime,
Je suis encor le maître de moi-même,
Et je pourrai réparer tout le mal.
Je n’ai parlé d’hymen qu’en général,
Sans m’engager, et sans me compromettre ;
Car en effet, si j’avais pu promettre,
Je ne pourrais balancer un moment :
À gens d’honneur promesse vaut serment.
Cher chevalier, j’ai conçu dans ma tête
Un beau dessein, qui paraît fort honnête,
Pour me tirer d’un pas embarrassant ;
Et tout le monde ici sera content.

LE CHEVALIER.

Vous moquez-vous ? contenter tout le monde !
Quelle folie !