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frait à son tour le modèle et le type des relations idéales du théâtre et de la vie publique, telles que je les concevais. Je le trouvais, ce modèle, dans le théâtre de l’ancienne Athènes : là, le théâtre n’ouvrait son enceinte qu’à certaines solennités, où s’accomplissait une fête religieuse qu’accompagnaient les jouissances de l’art ; les hommes les plus distingués de l’État prenaient à ces solennités une part directe comme poètes ou directeurs, ils paraissaient, comme les prêtres, aux yeux de la population assemblée de la cité et du pays ; et cette population était remplie d’une si haute attente de la sublimité des œuvres qui allaient être représentées devant elle, que les poëmes les plus profonds, ceux d’un Eschyle et d’un Sophocle, pouvaient être proposés au peuple, et assurés d’être parfaitement entendus. Alors s’offrirent à moi les raisons, douloureusement cherchées, de la chute de cet art incomparable ; mon attention s’arrêta premièrement sur les causes sociales de cette chute, et je crus les trouver dans les raisons qui avaient amené celle de l’état antique lui-même. Puis je cherchai à déduire de cet examen les principes d’une organisation politique des races humaines, qui, en corrigeant les imperfections de l’état antique, pût fonder un ordre de choses où les relations de l’art et de la vie publique, telles qu’elles existaient à Athènes, renaîtraient mais plus nobles, si cela est possible, et en tout cas plus durables. Je déposai les pensées qui se présentèrent à moi sur ce sujet dans un petit écrit, intitulé l’Art et la Révolution. Mon premier désir avait été de les publier en une suite d’articles dans un journal politique français ; c’était en 1849. On m’assura que le mo-