Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/27

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ment était mal choisi pour appeler l’attention du public parisien sur un objet de cette nature ; je renonçai à cette idée. C’est moi-même qui crois aujourd’hui qu’il serait un peu long de vous déduire le contenu de cette brochure ; je ne l’essayerai pas, et vous me saurez gré, j’en suis sûr, de cette réserve. Ce que j’ai dit plus haut vous suffira pour voir à quelles méditations, étrangères en apparence à mon objet, je me livrai pour trouver un terrain réel et pourtant idéal encore qui servît de base à l’idéal d’art qui m’occupait.

Je me mis à chercher alors ce qui caractérise cette dissolution si regrettée du grand art grec, et cet examen me retint plus longtemps. Je fus frappé d’abord d’un fait singulier, c’est la séparation, l’isolement des différentes branches de l’art réunies autrefois dans le drame complet. Associés successivement, appelés à coopérer tous à un même résultat, les arts avaient fourni, par leur concours, le moyen de rendre intelligibles à un peuple assemblé les buts les plus élevés et les plus profonds de l’humanité ; puis les différentes parties constituantes de l’art s’étaient séparées, et désormais, au lieu d’être l’instituteur et l’inspirateur de la vie publique, l’art n’était plus que l’agréable passe-temps de l’amateur, et tandis que la multitude courait aux combats de gladiateurs ou de bêtes féroces dont on faisait l’amusement public, les plus délicats égayaient leur solitude en s’occupant des lettres ou de la peinture. Fait d’une importance capitale pour moi, je crus ne pouvoir m’empêcher de reconnaître que les divers arts, isolés, séparés, cultivés à part, ne pouvaient, à quelque hauteur que de grands génies eussent porté en