Page:Wolf - Les Hypothèses cosmogoniques, suivies de la Théorie du ciel de Kant, 1886.djvu/117

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membres. Mieux encore que la chute de planètes froides sur leur Soleil, la réunion d’une quantité innombrable de foyers incandescents, tels que sont ces Soleils enflammés, avec la série de leurs planètes, réduira en vapeur la matière de leurs masses par l’inconcevable chaleur qu’elle produira, la dispersera dans l’ancien espace de leur sphère de formation et y produira les matériaux de nouvelles créations qui, façonnés par les mêmes lois mécaniques, peupleront de nouveau l’espace désert de mondes et de systèmes de mondes. »

On ne peut lire sans une profonde admiration les pages éloquentes que le philosophe de Kœnigsberg a consacrées à l’exposition de ses idées sur la fin et la régénération des mondes. Sans doute elles portent l’empreinte des théories encore bien vagues qui régnaient au milieu du xviiie siècle, touchant la combustion et le mécanisme général des forces naturelles. Mais n’est-il pas étonnant de voir un jeune homme de vingt-cinq ans, confiné dans une petite ville du nord de la Prusse, à une époque où les communications scientifiques étaient encore lentes et difficiles, exposer d’une façon aussi magistrale les idées mêmes auxquelles la Science, bien plus avancée de nos jours, va nous ramener ? Et n’y a-t-il pas dans cette conception de l’Univers, renaissant incessamment de ses cendres, une notion bien plus grandiose et plus philosophique des lois générales de la nature, que dans l’éternelle stabilité des systèmes qui les ferait survivre, inanimés et déserts, aux êtres vivants auxquels ils auraient servi d’habitation pendant un instant seulement de leur immortelle durée ?

Les calculs de Laplace, de Lagrange et de Poisson ont démontré que, malgré les actions perturbatrices que les corps du système solaire exercent les uns sur les autres, leurs distances moyennes au Soleil ne changeront pas dans le cours des siècles de manière à les rapprocher ou à les éloigner de ces astres d’une façon continue. Mais, dans ces calculs, les globes célestes sont considérés comme absolument rigides et indéformables, ou plus exactement même comme réduits à des points matériels. De plus, ces corps sont supposés se mouvoir dans un vide parfait, ou dans un milieu dont la résistance est absolument nulle, et enfin la gravitation est la seule force qui agisse sur eux.

Bien que l’existence d’un milieu résistant n’ait encore paru se