Page:Wolf - Les Hypothèses cosmogoniques, suivies de la Théorie du ciel de Kant, 1886.djvu/119

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absorbent une partie de l’énergie de mouvement, et la transforment en chaleur. L’étude de cet effet des marées a été faite surtout par MM. W. Thomson et Tait et par M. G.-H. Darwin, et le résumé des travaux de ce dernier auteur, que j’ai donné dans le Chapitre précédent, montrent quelles peuvent être les conséquences du frottement des marées sur les positions et les mouvements relatifs des corps de notre système, lorsque son action est prolongée pendant un temps suffisamment long. Si l’on considère seulement deux corps, la Terre et la Lune, tournant toutes deux sur elles-mêmes et autour de leur centre commun d’inertie, une analyse très simple de l’action de chacune d’elles sur la protubérance qu’elle soulève sur l’autre fait voir qu’elle finirait par réduire la Terre et la Lune à tourner toutes deux d’un même mouvement angulaire autour d’un axe passant par leur centre d’inertie, comme si elles faisaient partie d’un même corps rigide. S’il n’existait aucun autre corps dans l’Univers, ces deux astres continueraient donc indéfiniment à décrire des orbites circulaires autour de ce centre, en tournant sur eux-mêmes dans le même temps, de manière à se regarder constamment par la même face, la forme de chacun d’eux restant dès lors invariable. Mais l’introduction d’un troisième corps, le Soleil, change cet état de choses. Les marées solaires, qui se produiront deux fois dans l’espace d’un jour solaire, devenu égal au mois, déterminent une nouvelle perte d’énergie par le frottement qu’elles engendrent. Le premier effet sera de faire tomber la Lune sur la Terre, en même temps que la distance de ces corps au Soleil augmentera ; l’astre unique résultant de la réunion de la Lune à la Terre verra son mouvement de rotation se ralentir, jusqu’à prendre une période égale à la durée de sa révolution, qui sera devenue aussi la durée de la rotation du Soleil. Dans ce nouvel état, la Terre et le Soleil, plus éloignés l’un de l’autre qu’ils ne l’étaient d’abord, tourneront autour de leur centre commun d’inertie, comme si leur ensemble constituait un corps rigide, en se regardant constamment par la même face. Qu’un nouvel astre intervienne, la Terre va se rapprocher peu à peu du Soleil et finir par s’unir à lui. La conclusion définitive sera donc celle de W. Thomson[1] : « Nous ne pos-

  1. Sir W. Thomson and Tait, Treatise on Natural Philosophy, vol. I, Part. I, p. 258.