Page:Wyzewa - Mallarmé, notes, 1886.djvu/22

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qui supposent une croyance complète à la réalité sensible, ne le séduisaient point. Et comme la logique l’avait conduit à la Philosophie, il fut ému, spécialement, par les conceptions théoriques. A la recherche de la vérité, il éprouva les plus conscientes joies. Il voulut donc, en ses poèmes, recréer les joies de la recherche philosophique : il voulut, pour les mieux recréer, indiquer, aussi, leur sujet. Il fut amené à dire sa philosophie : non pour la dire, mais parce qu’il ne pouvait faire sentir d’autre façon les joies philosophiques, ses joies suprêmes, qu’il voulait exprimer.

La Philosophie de M. Mallarmé est celle que lui commandaient ses qualités natives. Il admit la réalité du monde, mais il l’admit comme une réalité de Fiction. La nature, avec ses chatoyantes féeries, le spectacle rapide et coloré des nuages, et les sociétés humaines effarées, ils sont rêves de l’Ame ; réels : mais tous rêves ne sont ils point réels ? Notre âme est un atelier d’incessantes fictions, souverainement joyeuses lorsque nous les connaissons notre créature. Inondante joie de la création, délice du poète arraché aux intérêts qui aveuglent, orgueil dernier d’être un œil librement voyant, et voyant les rêves qu’il projette : c’est le sujet des poèmes que nous a offerts M. Mallarmé.

Un faune, par l’après-midi adorable d’un antique orient, a vu les nymphes légères, aimantes et folles. Elles ont fui. Et le faune s’éplore : c’était un rêve, à jamais perdu. Mais il comprend que toutes visions sont rêves de son âme, et il évoque, délicieusement, les douces envolées. Il crée leurs formes, les baisers chauds de leurs lèvres : il va enlacer la plus belle… De nouveau la vision s’enfuit. Mais, oh ! que vaines seraient les douleurs. A son aise il rappellera les nymphes