Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/263

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le royaume, même par les soins du gouvernement, entre les mains duquel sont les postes et les diligences : il n’y a rien qu’on n’en doive attendre. — Passé la soirée à l’Opéra-Comique : de la musique italienne, des paroles italiennes, des chanteurs italiens, et des applaudissements si continus, si enthousiastes, que les oreilles françaises doivent faire de rapides progrès. Qu’aurait dit Jean-Jacques s’il avait vu un tel spectacle à Paris !

Le 18. — Hier, en conséquence de la motion amendée de l’abbé Sieyès, les communes ont décrété : qu’elles prendraient le titre d’Assemblée nationale ; que se considérant comme en activité, toutes taxes étaient illégales, mais que leur levée serait accordée pour le temps de la session ; qu’enfin elles procéderaient sans délai à la consolidation de la dette et au soulagement de la misère du peuple. Ces mesures donnent bon espoir aux partisans extrêmes d’une nouvelle constitution ; mais je vois évidemment, parmi les personnes de sens plus rassis, une grande appréhension que cette démarche n’ait été trop précipitée. C’est une violence dont la cour peut se saisir comme prétexte et tourner au préjudice du peuple. Le raisonnement de M. de Mirabeau contre ces mesures était très fort et très juste : Si je voulais employer, contre les autres motions les armes dont on se sert pour attaquer la mienne, ne pourrais-je pas dire à mon tour : De quelque manière que vous vous qualifiiez, que vous soyez les représentants connus et vérifiés de la nation, les représentants de vingt-cinq millions d’hommes, les représentants de la majorité du peuple, dûssiez-vous même vous appeler l’Assemblée nationale, les états généraux, empêcherez-vous les classes privilégiées de continuer des assemblées que Sa Majesté a reconnues ? Les empêcherez-vous de prendre des délibérations ?