Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/31

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préjugés, et il ne les cache pas, tant s’en faut, on peut s’en rapportera lui. D’une servante rousse rencontrée à Calais il ne conclura pas que toutes les Françaises aient une chevelure ardente ; mais s’il s’en fût trouvé une deuxième, puis une troisième sur son passage, la poudre aidant, il n’eût pas manqué d’en « tirer des conclusions », ainsi qu’il le répète à chaque page.

Les Voyages en France ont fait le sujet d’un travail de main d’ouvrier ; il n’y a plus à y revenir après M. de Lavergne ; mais il y a certes grand avantage à suivre, dans leur développement, quelques-unes des idées qui y ont été émises avec une chaleureuse insistance et auxquelles on a obéi avec enthousiasme, sauf pour la dernière. Dédain pour les choses du continent ; pour ce qui, même dans le Royaume-Uni, n’était pas strictement anglais ; dédain pour les formes les plus humbles de la propriété ; dédain pour les relations qui n’emportent pas une indépendance absolue, presque farouche ; dédain pour tous les efforts qui ne se concentrent pas sur le sol national. La complaisance marquée pour soi-même explique bien une partie de ces sentiments, tandis qu’un étroit intérêt rend compte des autres ; aucun n’est sans légitime fondement, il n’y faut reprendre que l’exagération ; nous nous proposons de le faire voir.

Au moment de la Révolution française, l’Angleterre venait de passer cent vingt ans dans la plus grande tranquillité intérieure. Les soulèvements Jacobites de 1715 et de 1745 n’avaient affecté que le nord de la Grande-Bretagne. Les scandales de la Restauration, le croupissement moral de l’époque des Georges ne pouvaient porter aucun préjudice au développement de la prospérité matérielle, loin de là, et pourvu que la marine fût toujours supérieure à celle des puissances rivales, peu importait que les troupes qui soutenaient sur le continent les intérêts de la maison d’Ha-