Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/32

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novre fussent battues ou triomphantes ; la Manche constituait un rempart infranchissable à l’abri duquel on pouvait cultiver, fabriquer, chasser le renard et s’enivrer en paix. Quelle différence ne devait donc pas offrir une région ainsi privilégiée avec ce continent que les vicissitudes de la maison d’Autriche n’avaient cessé de troubler, qu’il s’agît de l’Espagne, qu’il s’agît de l’Empire, ou bien qu’il ne s’agît que d’une convoitise à propos de la Silésie.

Une première atteinte avait été portée à cette quiétude par la guerre d’Amérique. La France avait trouvé là un emploi à l’esprit de réforme qui la tourmentait. Le dépit que conçut l’aristocratie anglaise de cette intervention ne fut-il pour rien dans son attitude vis-à-vis du mouvement de 89 ? L’opinion, chez nous, la soupçonnait d’hostilité : à chaque pas on le répétait à notre voyageur ; et vraiment la violence des résolutions ultérieures le donne fortement à penser.

Cette guerre provoquée avec tant d’arrogance, poursuivie avec acharnement, n’aurait jamais duré un quart de siècle si la pénurie des coalisés n’avait eu à sa disposition les ressources anglaises, ressources que la guerre même augmentait, loin de les diminuer. Une période égale de paix universelle porta à son apogée la prépondérance de l’Angleterre : la jeune reine qui venait de monter sur le trône vit en 1840 le monde entier céder à l’impulsion de sa gracieuse main. On sait, en effet, que malgré les fictions parlementaires elle seule gouvernait et que ses conseillers réels n’étaient pas ceux que lui imposait la volonté nationale.

Young prophétisait tout autre chose que les splendeurs de ce demi-siècle, il ne voyait que déclin pour sa chère agriculture : combien lui eût-elle paru surpasser les autres, s’il lui avait été donné d’atteindre sa centième année.

Tout le monde ressentit cette juste admiration et l’étendit à d’autres sujets avec une fougue qui, chez nous par-