Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/314

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de Colmar était curieuse : la reine avait formé le complot, qu’elle était à la veille d’exécuter, de faire sauter l’Assemblée par une mine, et au même moment d’envoyer l’armée massacrer Paris tout entier. Un officier français qui se trouvait là se permit d’en douter, et fut à l’instant réduit au silence par le bavardage de ses adversaires. Un député l’avait écrit, ils avaient vu la lettre, il n’y avait pas d’hésitation. Sans me laisser intimider, je soutins que c’était une absurdité visible au premier coup d’œil, rien qu’une invention pour rendre odieuses des personnes qui, à mon avis, le méritaient, mais non certes par de pareils moyens. L’ange Gabriel serait descendu tout exprès et se serait mis à table pour les dissuader, qu’il n’aurait pas ébranlé leur foi. C’est ainsi que cela se passe dans les révolutions : mille imbéciles se trouvent pour croire ce qu’écrit un coquin. — 25 milles.

Le 25. — À partir d’Isenheim, le pays s’accidente et devient meilleur jusqu’à Béfort ; mais il n’y a ni clôtures, ni maisons disséminées. Grands troubles à Béfort ; hier la populace et les paysans ont demandé aux magistrats les armes en magasin ; il étaient de trois à quatre mille. Se voyant refuser, ils ont fait du bruit et ont menacé de mettre le feu à la ville ; alors on a fermé les portes. Aujourd’hui le régiment de Bourgogne est arrivé pour maintenir l’ordre. M. Necker vient de passer ici pour retourner de Bâle à Paris ; quatre-vingts bourgeois l’escortaient à cheval, et les musiques de régiment l’ont accompagné pendant qu’il traversait la ville. Mais la période brillante de sa vie est terminée : depuis sa rentrée au pouvoir jusqu’à l’assemblée des états, il a eu dans ses mains le sort de la France et des Bourbons, et, quelle que soit l’issue de