Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/332

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de ses appareils, cela n’ajouterait pas peu à son immense réputation si justement méritée, et aurait aussi cet avantage d’engager d’autres expérimentateurs dans la carrière qu’il a entreprise. Il eut la bonté de m’accompagner dans l’après-midi à l’Académie des sciences ; la réunion se tenait dans un grand salon, orné des bustes des hommes célèbres de Dijon : Bossuet, Fevret, de Brosses, de Crébillon, Piron, Bouhier, Rameau, et enfin Buffon. Quelque voyageur trouvera sans doute dans l’avenir qu’on y aura joint celui d’un autre homme qui ne le cède à aucun des précédents, le savant par qui j’avais l’honneur d’être présenté, M. de Morveau. Dans la soirée nous allâmes de nouveau chez madame Picardet, qui nous emmena à la promenade. Je fus charmé d’entendre M. de Morveau remarquer, à propos des derniers troubles, que les excès des paysans venaient de leur manque de lumières. À Dijon, on avait recommandé publiquement aux curés de mêler à leurs sermons de courtes explications politiques, mais ce fut en vain ; pas un ne voulut sortir de sa routine. Que l’on me permette une question : Est-ce qu’un journal n’éclairerait pas plus le peuple que vingt curés ? Je demandai à M. de Morveau si les châteaux avaient été pillés par les paysans seuls, ou par ces bandes de brigands que l’on disait si nombreuses. Il m’assura qu’il avait cherché très sérieusement à s’en assurer, et que toutes les violences à sa connaissance, dans cette province, venaient des seuls paysans ; on avait beaucoup parlé de brigands sans rien prouver. À Besançon, on m’avait dit qu’ils étaient 800 ; mais comment 800 bandits qui auraient traversé une province auraient-ils rendu leur existence problématique ? C’est aussi bouffon que l’armée de M. Bayes, qui marchait incognito.