Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/391

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de moitié et satisfaire les Anglais avec cette rapidité, qui leur plaît tant. Actuellement on ne va pas plus vite qu’un bon cheval anglais au trot. Les exagérations viennent peut-être de voyageurs qui, passant dans l’été, ont cru les muletiers sur parole. Voyager sur la neige fait naître assez communément de risibles incidents ; la route des traîneaux n’est pas plus large que ce véhicule, et quelquefois nous rencontrions des mules, etc. On se demandait souvent qui céderait le pas, et avec raison, car la neige a dix pieds de profondeur, et les pauvres bêtes y regardaient un peu avant de s’engloutir. Une jeune Savoyarde, montée sur un mulet, fut tout à fait malheureuse ; en passant près du traîneau, sa monture, qui était rétive, trébucha et la jeta dans la neige ; la pauvrette y tomba la tête la première et assez profondément pour que ses grâces fissent l’effet d’un poteau fourchu. Les mauvais plaisants de muletiers riaient de trop bon cœur pour songer à la tirer d’embarras. Si c’eût été une ballerina italienne, l’attitude n’aurait eu pour elle rien de bien mortifiant. Ces aventures joviales et un beau soleil firent passer agréablement la journée, et à Lanebourg nous étions d’assez bonne humeur pour avaler de bon appétit un dîner qu’en Angleterre nous eussions fait porter au chenil. — 20 milles.

Le 22. — Passé tout le jour dans les hautes Alpes. Les villages paraissent pauvres, les maisons sont mal bâties, et les gens n’ont pour leur bien-être que du bois de pin en abondance, encore les forêts qui le fournissent sont-elles le refuge des loups et des ours. Dîné à Modane, couché à Saint-Michel. — 25 milles.

Le 23. — Traversé Saint-Jean de Maurienne, siège