Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/153

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comme dans le bien. C’est une coupe plongée dans le bouillonnant fleuve humain et qu’on retire pleine en même temps de sa vase et de sa fraicheur. Et nul ne sait ce qui va émerger dans la coupe.

Crozant et Lereduc en sont à ce stade angoissant. C’est là que le désir de l’argent les a mordus : Crozant, grand, efflanqué, et Lereduc, gringalet, l’ont ressenti vers le même temps. Journaliers agricoles, ils travaillaient souvent en équipe. Isolément, ils auraient pu refouler la boue montante. C’est la défense de l’adolescent intellectuel, à cet âge difficile, de s’enfermer en soi, d’abriter sa coupe tumultueuse des curiosités, des contacts, des influences. Taciturne, farouche, son âme accomplit solitaire le travail de décantation. Mais l’enfant du peuple cède à l’instinct de s’épancher, et, chez ces deux jeunes criminels, c’est par le limon même que les âmes avaient communiqué.

Aux fins de journées, dans leurs causeries amères, après leurs premiers contacts rudes avec la vie, empreints de cette tristesse profonde inhérente à la jeunesse, ils avaient consolidé leurs raisons de révolte, leurs théories journalistiques, leur secret désir de braver l’ordre. Comme deux tisons au feu incertain se ravivent l’un l’autre,