Page:Zola - Travail.djvu/507

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en terre, d’un air souriant de philosophe et d’homme du monde.

Les Mazelle avaient pâli. Tandis que la femme se pâmait au fond de son fauteuil, les yeux sur les gâteaux, le mari s’écria  :

«  Vraiment, le croyez-vous, sommes-nous menacés à ce point  ? … Je sais bien qu’on parle de réduire la rente.

— La rente, reprit tranquillement Châtelard, elle sera supprimée avant vingt ans  ; ou, du moins, on trouvera une combinaison, qui, progressivement, dépossédera les rentiers. Le projet en est à l’étude.  »

Mme Mazelle soupira, comme si elle rendait l’âme.

«  Oh  ! nous serons morts, je l’espère bien, nous n’aurons pas la douleur de voir ces infamies. C’est notre pauvre fille qui en souffrira, et raison de plus pour la forcer à faire un beau mariage.  »

Châtelard, impitoyable, dit encore  :

«  Mais il n’y a plus de beaux mariages, puisque l’héritage va disparaître. C’est chose à peu près résolue. Désormais chaque ménage sera forcé de faire lui-même son bonheur. Et que votre Louise épouse un fils de bourgeois ou un fils d’ouvrier, la mise de fonds sera bientôt la même, de l’amour s’ils ont la chance de s’aimer, et de l’activité à la besogne, s’ils ont l’intelligence de n’être pas des paresseux.  »

Il y eut un grand silence, on entendit le petit bruit d’ailes d’une fauvette qui voletait dans les rosiers.

«  Alors, finit par demander Mazelle anéanti, c’est donc le conseil que vous nous donnez, monsieur le sous-préfet. Selon vous, nous pouvons accepter pour gendre ce Lucien Bonnaire  ?

— Oh  ! mon Dieu, oui  ! La terre n’en tournera pas moins en paix, croyez-moi. Et, du moment que les deux enfants s’adorent, vous êtes toujours sûrs de faire au moins deux heureux.  »