Page:Zola - Vérité.djvu/10

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donne les prix à l’école. Et le père Philibin, qui aime beaucoup nos bons frères, a bien voulu accepter de présider la distribution. Alors, il doit arriver de Valmarie, et je suppose qu’il accompagne le frère Fulgence, pour régler certains détails.

Mais elle fut interrompue, Marc descendait enfin, et il tenait dans ses bras sa fillette Louise, à peine âgée de deux ans, qui, pendue de ses deux menottes à son cou, jouait, riait comme une bienheureuse.

— Houp là ! houp là ! cria-t-il en rentrant. Nous arrivons en chemin de fer, hein ! on ne peut pas arriver plus vite !

Moins grand que ses trois frères, Mathieu, Luc et Jean, le visage plus allongé et plus maigre, Marc Froment avait, très prononcé, le haut front, le front en forme de tour de la famille. Mais ce qui le caractérisait surtout, c’étaient les yeux et la voix de charme, des yeux clairs, très doux, qui pénétraient jusqu’au fond des âmes, une voix prenante, conquérante, qui s’emparait des intelligences et des cœurs. Des moustaches et une barbe légère laissaient voir la bouche, un peu forte, ferme et bonne. Comme tous les fils de Pierre et de Marie Froment, il avait appris un métier manuel, celui de lithographe, et, bachelier à dix-sept ans, il était venu à Beaumont terminer son apprentissage chez les Papon-Laroche, la grande maison qui fournissait de cartes géographiques et de tableaux scolaires presque toutes les écoles de France. Ce fut là que sa passion de l’enseignement se déclara, au point de lui faire passer l’examen, du brevet élémentaire, de façon à pouvoir entrer à l’École normale de Beaumont, d’où il était sorti instituteur adjoint, à vingt ans, avec son brevet supérieur. Titularisé plus tard, ayant obtenu son certificat d’aptitude pédagogique, il allait, à vingt-sept ans, être nommé instituteur à Jonville, lorsqu’il épousa Geneviève, grâce à son grand ami Salvan, qui l’avait