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Page:Zola - Vérité.djvu/163

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héroïsme. Il était resté meurtri, bouleversé par la condamnation de Simon ; il ne pouvait se remettre de cette iniquité monstrueuse. Sans cesse il retombait dans des rêveries noires, et Geneviève l’entendait pousser ce continuel cri : « C’est affreux, je croyais connaître mon pays, et je ne le connaissais pas ! » Oui, comment une pareille infamie avait-elle pu se commettre en France, dans cette France qui avait fait la grande Révolution, qu’il avait jusque-là regardée comme la libératrice, la justicière promise au monde ? Il l’aimait passionnément, pour sa générosité, pour l’indépendance de son courage, pour tout ce qu’elle devait accomplir de libre, de noble et de grand. Et elle permettait, elle exigeait la condamnation d’un innocent ; et elle retournait aux vieilles imbécillités, aux barbaries anciennes ! C’était une douleur, une honte, dont il ne pouvait guérir, qui le hantait, comme d’un crime dont il aurait eu sa part. Puis, c’était encore, dans sa passion de la vérité, dans son besoin de la conquérir, de l’imposer à tous, le malaise intolérable de voir ainsi triompher le mensonge, de ne pouvoir le combattre et le détruire en la criant tout haut, cette vérité tant cherchée !

Il revivait l’affaire, il cherchait toujours, sans trouver davantage, au milieu de l’inextricable écheveau que des mains invisibles avaient su emmêler. Et il avait alors, le soir, sous la lampe, après ses rudes journées d’enseignement, de muets désespoirs, si accablés, que Geneviève, silencieuse elle aussi, venait doucement le prendre dans ses bras et le baiser avec tendresse, désireuse de le réconforter un peu.

— Mon pauvre ami, tu te rendras malade, ne songe donc plus à ces tristes choses.

Il était touché aux larmes, il l’embrassait tendrement à son tour.

— Oui, oui, tu as raison, il faut du courage. Mais, que veux-tu ?