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Page:Zola - Vérité.djvu/427

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qu’il ne lui restât pas même la consolation d’une amie, on l’avait bassement forcé à rompre avec l’unique femme dont le haut esprit fraternel l’aurait soutenu. C’était bien le complet désastre qu’il sentait venir depuis longtemps, le sourd travail de destruction accompli autour de lui par les exécrables mains invisibles, pour le miner et l’abattre sur les décombres de toute son œuvre. Maintenant, on croyait le tenir, saignant de cent blessures, torturé, abandonné, sans force dans sa maison frappée de la foudre, à ce foyer souillé et désert, où il agonisait. Et, ce premier soir de solitude, il était vraiment un vaincu, ses ennemis l’auraient cru désormais à leur merci, s’ils avaient pu le voir allant et venant d’un pas chancelant, dans le pâle crépuscule, ainsi qu’une misérable bête blessée cherchant un trou d’ombre, pour y tomber et mourir.

En vérité, l’heure était affreuse. On avait les plus mauvaises nouvelles de l’enquête, ouverte par la Cour de cassation, dont les lenteurs semblaient vouloir enterrer l’affaire. Vainement, il avait tenté jusque-là de se forcer à l’espoir, sa crainte grandissait chaque jour d’apprendre la mort de Simon, avant même que la révision de son procès fût acquise. Dans ces jours de tristesse, il voyait tout perdu, la révision rejetée, son long effort inutile, la vérité et la justice égorgées définitivement, exécrable crime social, catastrophe honteuse où sombrait la patrie tout entière. Il en éprouvait comme une horreur sacrée, un frisson d’épouvante qui le glaçait. Et puis, c’était à côté de ce désastre public, son désastre personnel dont il sentait davantage l’inévitable accablement. Maintenant que Louise n’était plus là, à l’attendrir de son charme, à lui donner l’illusion de sa raison et de son courage précoces, il se demandait comment il avait pu être assez fou pour la laisser aller chez ces dames. Elle n’était qu’une enfant, elle serait envahie, conquise en quelques semaines, par la toute-puissante Église, victorieuse de la femme