Aller au contenu

Page:Zola - Vérité.djvu/506

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bande, jusqu’à leurs demeures. Un coup de feu fut tiré un soir, sans que les agents, toujours aux aguets, pussent arrêter personne. Mais l’arme cléricale est plus encore la calomnie empoisonnée, l’assassinat moral pratiqué lâchement dans l’ombre. Et ce fut Delbos la victime choisie, le jour même où devaient s’ouvrir les débats du procès. Le numéro du Petit Beaumontais qui arriva, ce matin-là, contenait une abominable délation, aggravée de mensonges, toute une histoire honteusement travestie sur le père de l’avocat, vieille d’un demi-siècle. Delbos père, autrefois petit orfèvre, voisin de l’évêché de Beaumont, s’y trouvait accusé d’un détournement de vases sacrés, dont on lui avait confié la réparation. La vérité était que l’orfèvre, volé lui-même par une femme qu’il ne voulait pas livrer, s’était vu forcé de rembourser les objets disparus ; et il n’y avait pas eu de poursuites, l’affaire restait obscure. Seulement, il fallait lire l’immonde feuille pour comprendre à quel degré certains hommes peuvent descendre dans la haine et dans l’ignominie. Cette douloureuse aventure du père, oubliée, ensevelie, était jetée à la face du fils avec une abondance fangeuse de détails faux, d’imaginations atroces, en une langue qui roulait l’outrage et l’ordure. Et, certainement, le violateur de tombe, le diffamateur assassin, tenait les documents publiés des mains mêmes du père Crabot, auquel sans doute quelque prêtre archiviste les avait communiqués. On espérait, par ce coup de massue inattendu, frapper Delbos en plein cœur, l’assassiner moralement, le discréditer comme avocat, le détruire au point de ne lui laisser, pour la défense de Simon, ni la force de parler, ni l’autorité de se faire entendre.

Alors, le procès commença, un lundi, par une ardente journée de juillet. La défense avait cité de nombreux témoins, en dehors de Gragnon, qu’elle comptait confronter avec Jacquin, le chef de l’ancien jury. Sur la liste, se trouvaient Mignot, Mlle Rouzaire,