Page:Zola - Vérité.djvu/566

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Chagnat. Et cela lui a permis de vous conserver, vous et Mignot, qu’il semble blâmer, mais qu’il entend ne pas désavouer complètement. En outre, il a laissé ici Mlle Mazeline et il a fait nommer à votre place Joulic, un de mes meilleurs élèves, l’intelligence la plus libérée, l’esprit le plus sain ; de sorte que, désormais, Maillebois, Jonville et le Moreux se trouvent pourvus d’excellents ouvriers, ardents à la mission de l’avenir.. Que voulez-vous ? je vous le répète une fois de plus, on ne changera pas Le Barazer, il faut l’accepter ainsi, bien heureux encore de sa demi-besogne.

— Je suis enchanté, répéta Marc. Ma grande tristesse était de quitter l’enseignement. Depuis ce matin, j’avais le cœur bien gros, en songeant à la rentrée prochaine. Où serais-je allé ? qu’aurais-je fait ? Certes, cela me chagrinera de laisser ici des enfants que j’aime. Mais ma consolation va être d’en retrouver d’autres là-bas, que j’aimerai. Et que m’importe l’humilité de l’école, si je puis y continuer l’œuvre de ma vie, le bon travail d’ensemencement qui seul doit donner la moisson future de vérité et de justice !… Ah ! retourner à Jonville, ce sera de grand cœur, avec un renouveau d’espoir !

Gaiement, il marchait dans la vaste classe, si claire, si pleine de soleil, comme pour reprendre possession de cette mission d’instituteur dont l’abandon lui aurait tant coûté. Et il eut un geste charmant de juvénile allégresse, il se jeta au cou de Salvan. Il l’embrassa. Justement, Mignot, qui, certain lui aussi d’être révoqué, cherchait une situation depuis quelques jours, rentra désespéré d’avoir encore essuyé un refus, chez le directeur d’une usine voisine. Puis, quand il sut qu’il était nommé au Moreux, il fut ravi à son tour.

— Le Moreux, le Moreux, un vrai pays de sauvages. N’importe, on tâchera de les civiliser un peu, et nous ne nous quittons