Page:Zola - Vérité.djvu/605

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de la tombe lui passait sur la face, eut le temps de crier :

— Grand-mère, je veux attendre encore, je reviendrai dans un mois.

Mais le judas s’était violemment refermé, la petite maison obscure et muette semblait s’être anéantie dans la nuit devenue noire.

Depuis cinq ans, un peu davantage chaque mois, Mme Duparque avait ainsi rompu complètement avec le monde. Au lendemain de la mort de Mme Berthereau et du départ de Geneviève, elle s’était d’abord contentée de ne plus recevoir sa famille, tout entière à des amies pieuses, à des religieux et à des prêtres familiers de son entourage. Le nouveau curé de Saint-Martin, l’abbé Coquard, qui avait succédé à l’abbé Quandieu, était un prêtre rigide, d’une foi sombre, dont elle aimait à entendre les menaces, l’enfer avec les flammes, ses fourches rouges et son huile bouillante. On la rencontrait matin et soir, se rendant à la paroisse, chez les capucins, partout où il y avait des offices et des cérémonies. Puis elle sortit de moins en moins, elle finit par ne plus jamais mettre le pied dehors, comme prise par l’ombre et le silence, ensevelie lentement. Un jour, les volets de la petite maison, qu’on ouvrait et fermait encore, matin et soir, avaient eux-mêmes cessé de s’ouvrir ; et la façade était devenue aveugle, la maison avait semblé morte, sans qu’une lumière, sans qu’un souffle de vie s’en échappât désormais. On aurait pu la croire abandonnée, inhabitée, si, dès la nuit venue, des soutanes et des frocs ne s’y fussent glissés discrètement. C’était l’abbé Coquard, c’était le père Théodose, parfois même, disait-on, le père Crabot, qui lui rendaient d’amicales visites. La petite fortune qu’elle s’était arrangée pour laisser par moitié au collège de Valmarie et à la chapelle des Capucins, les deux ou trois mille francs de son héritage n’auraient peut-être pas suffi à expliquer cette fidélité autour d’elle ; et il y fallait admettre aussi un effet