Page:Zola - Vérité.djvu/90

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ses yeux s’éclairèrent d’une joie infinie. Vivement, il avait saisi la main que celui-ci lui tendait.

— Ah ! mon camarade, merci ! Préviens tout de suite mon frère David, et dis-lui bien que je suis innocent. Il cherchera partout, il trouvera le coupable, c’est à lui que je confie mon honneur et celui de mes enfants.

— Sois tranquille, répondit simplement Marc, étranglé par l’émotion je l’aiderai.

Le commissaire revenait, mettant fin à la scène ; et il fallut emmener Mme  Simon éperdue, au moment où Simon sortait, entre les deux agents de police. Alors, ce qui se passa fut monstrueux. Les obsèques du petit Zéphirin étaient fixées à trois heures, et l’on avait décidé l’arrestation pour une heure, de façon à éviter une coïncidence fâcheuse. Mais la perquisition s’était tellement prolongée, que la rencontre se produisit. Lorsque Simon parut, en haut du petit perron, la place était déjà pleine de curieux accourus pour voir le convoi, dans un élan de pitié fiévreuse et bavarde. Aussi cette foule, nourrie des contes du Petit Beaumontais, encore secouée par l’horreur du crime, poussa-t-elle des cris, dès qu’elle aperçut l’instituteur, le juif maudit, le tueur de petits enfants, qui avait besoin pour ses maléfices de leur sang vierge, encore sanctifié par l’hostie. C’était la légende désormais indestructible, volant de bouche en bouche, affolant la cohue grondante et menaçante.

— À mort, à mort, l’assassin, le sacrilège… À mort, à mort, le juif !

Glacé, plus pâle et plus rigide, Simon répondit, du haut des marches, par un cri qui ne devait plus cesser, sortir continuellement de ses lèvres, comme la voix même de sa conscience :

— Je suis innocent ! je suis innocent !

Alors, ce fut de la rage, les huées montèrent en tempête,