À bas la calotte/Pourquoi pas son pot de chambre ?

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Bibliothèque anti-cléricale (p. 71-73).

POURQUOI PAS SON POT DE CHAMBRE ?



Ah ! elle est bien bonne, celle-là !

Non, tenez, laissez-moi rire tout mon soûl.

Il paraît qu’il existe un volume intitulé : Livre d’or, contenant les conseils de feu Pie IX aux catholiques, qui se débite en Belgique pour vingt sous, mais qui ne se vend pas.

Les éditeurs ont alors imaginé d’organiser une loterie à laquelle participeraient les acquéreurs du livre, et voici l’annonce qui a paru à ce sujet dans une feuille cléricale flamande, et que nous apporte le Journal de Gand :

« Un objet très-précieux pour tous ceux qui ont aimé Pie IX, le verre du Saint-Père, sera tiré au sort, et gratuitement, entre tous les acquéreurs du livre.

» Le verre du Saint-Père Pie IX. — Le 6 janvier 1877, Pie IX, recevant en audience le pèlerinage italien, prononça un magnifique et très-émouvant discours. Après avoir parlé (il était midi et demi), Sa Sainteté prit quelques gouttes d’eau.

» Lorsque le Saint-Père eut quitté la salle de réception, il se passa une scène des plus touchantes.

» Quelqu’un s’aperçut alors que le verre dont s’était servi Pie IX était resté dans la salle. Aussitôt les pieux pèlerins, remplis de la foi la plus ardente, se précipitèrent à l’envi pour boire un peu de cette eau qui avait touché les lèvres du vicaire de Jésus-Christ.

» Ce précieux verre sera tiré au sort, le 21 juin 1878, entre tous ceux qui auront acheté le volume annoncé. »

Ma foi, vous direz ce que vous voudrez, mais c’est bien rigolo tout de même.

Je suppose qu’à la réception des pèlerins dont il s’agit l’excessivement Saint-Père Pie-Vieux, au lieu d’avoir soif, eût éprouvé un besoin tout contraire.

Il aurait dit :

— Mes enfants, je vous demande pardon, je suis obligé de sortir un moment. Deux minutes seulement, et je reprends le fil de mon discours.

Puis il serait passé dans la pièce à côté, etc., etc.

Quelle scène, non moins touchante que celle décrite ci-dessus, aurait eu lieu alors !

Je vois ça d’ici.

Un des pèlerins s’écrie :

— Ô mes amis, ô mes frères, vous n’avez pas oublié que tantôt Sa Sainteté a fait une station de deux minutes dans ce petit cabinet.

— En effet, répond le chœur.

— Eh bien ! avis aux amateurs !

Là-dessus, la pieuse foule se précipite dans la pièce voisine, ouvre la table de nuit, prend le pot et se partage le contenu.

Vous riez ?… Moi aussi, cette hypothèse me fait rire.

Et, tandis que nous rions pour trois sous, vous, amis lecteurs, et moi, qui sait si ce que nous croyons imaginaire n’est pas arrivé pour tout de bon ?

Car enfin… les reliques sont les reliques !…