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À bas la calotte/Problème à résoudre

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Bibliothèque anti-cléricale (p. 69-71).

PROBLÈME À RÉSOUDRE



Je serais véritablement navré si ceci allait faire de la peine à la Sainte-Trinité. Cependant, comme il s’agit d’une question très-embarrassante qui, à défaut de saveur, ne manque pas d’intérêt, je me vois dans l’obligation de mettre les deux pieds sur mes scrupules. D’ailleurs, le problème que j’ai à poser s’adressant avant tout à MM. les cléricaux, je les prie de ne pas envoyer ma prose au paradis et, de cette façon, les trois bons Dieux en un seul qui nous gouvernent ignorant qu’il y a sur terre un particulier indiscret comme je le suis, personne dans le firmament ne se fera de la bile au sujet de la témérité que j’ai de vouloir soulever le voile d’un de nos plus incompréhensibles mystères.

Il s’agit du… Diable ! comment dirai-je ?… Le sujet, mes amis, est très-délicat à traiter.

Je l’avoue sans honte, je suis de ceux qui aiment toujours à rire ; mais, toutefois, je considère comme un devoir de ne jamais franchir les limites de la plus scrupuleuse décence. Messieurs du parquet sont là, du reste, occupés à éplucher mes points et mes virgules. Soyons curieux jusqu’à vouloir sonder les arcanes de la mythologie catholique ; laissons-nous accuser d’irrévérence envers les choses dites sacrées ; mais ne prêtons pas le flanc à Tartufe, qui, dans le cas présent, affectant de ne pas voir mon unique désir de critiquer les stupidités du dogme, ferait l’homme pudibond et crierait à l’outrage aux bonnes mœurs.

N’importe ! faites sortir les demoiselles et causons à demi-mot.

Vous savez, amis lecteurs, qu’avant de devenir le vrai dieu des chrétiens Jéhovah fils fut un simple israélite comme le sénateur Crémieux ou le banquier Rothschild. La légende évangélique nous apprend qu’il était déjà homme fait lorsque Jean-Baptiste l’ondoya, tandis que, dès sa naissance, il avait été circoncis par les soins d’un certain Siméon, plus tard élevé, quoique prêtre juif, à la dignité de saint catholique.

Ça, c’est une des nombreuses bêtises qui émaillent la collection d’articles de foi avalés par les fidèles. Je n’insisterai donc pas.

Je glisserai, avec la même rapidité, sur les détails de la circoncision de Jéhovah fils, et, mettant des gants, m’enveloppant de beaucoup de gaze, j’en viens tout de suite au petit morceau de chair détaché par le pontife Siméon, lors de cette opération chirurgicale qui est le baptême israélite.

Ce précieux morceau de chair a été, paraît-il, recueilli par quelqu’un sachant sans doute quelles hautes destinées étaient plus tard réservées à l’objet ; il a été transmis de générations en générations, sans jamais se détériorer, — ce qui m’étonne un peu, entre nous soit dit ; — et, finalement, il est montré aux dévots et donné à baiser pour une modique somme, dans… (Ah ! c’est ici que commence le problème)… dans CINQ ÉGLISES du culte catholique, apostolique et romain.

Vous croyez que je veux rire ? Vous pensez que le petit morceau de chair en question est exposé dans chacune des cinq églises à tour de rôle ?

Eh bien ! non, mes amis. Le précieux objet qui a eu l’honneur de faire partie pendant quelques jours du corps de Jéhovah fils est possédé à la fois par :

1o La congrégation du Saint-Prépuce, à Rome ;

2o La cathédrale de Metz ;

3o L’église abbatiale de Puy-en-Velay ;

4o La chapelle métropolitaine d’Anvers ;

5o La cathédrale de Chartres.

Écoutez : moi, je ne demande pas mieux que de croire tout ce qu’on voudra. Mais encore ne faudrait-il pas avoir la prétention de me faire ingurgiter des bourdes trop raides.

Et je vous le déclare en toute sincérité, je n’avale pas le Saint-Prépuce. Ça c’est trop fort.

Que l’on ait conservé jusqu’à aujourd’hui le précieux morceau de chair de Jéhovah fils, à la rigueur cela pourrait passer ; mais que Jéhovah fils en ait eu cinq… alors, non ! ! !

Tout ce qu’on voudra, mais pas ça !

Voici donc ma question très-nettement et, néanmoins, très-convenablement posée.

M. Guibert, archevêque de Paris, qui écrit si volontiers des circulaires fulminantes contre les audaces de l’impiété, serait bien aimable s’il voulait bien résoudre cet intéressant problème. C’est dans l’intérêt même de sa religion que je l’en supplie à trois genoux.

Car, enfin, nous vivons dans un pays où les pèlerinages sont de mode. Je suppose un dévot très-convaincu à qui l’on présente à Anvers le Saint-Prépuce à baiser, puis à Metz, ensuite au Puy-en-Velay, après cela à Chartres, et enfin à Rome dans la chapelle de la congrégation. Vous voyez d’ici la tête du pèlerin !

Allons, Messieurs du clergé, un bon mouvement. Je ne vous ai jamais demandé de m’expliquer le mystère de la Trinité ni celui de la procréation d’un enfant dans le sein d’une vierge par l’opération d’un pigeon.

Expliquez-moi, s’il vous plaît, comment Jéhovah fils, circoncis une seule fois, a pu produire cinq résultats de circoncision. Vous m’obligerez beaucoup, et avec moi tous mes lecteurs.