À genoux/Je veux chanter encor vos yeux, vos yeux illustres

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Alphonse Lemerre (p. 77-79).

II

LE LIVRE DES TRISTESSES


Rien qu’à voir avec ses prunelles de feu
Je triomphais, j’avais en moi tout le ciel bleu.

Théodore de Banville.



I


 
Je veux chanter encor vos yeux, vos yeux illustres !
Rappelez-vous cette heure où sous l’éclat des lustres
Nous restâmes longtemps accoudés, une nuit.
Oh ! comme ce passé lointain s’évanouit !
Je regardais vos yeux ; vous regardiez mes lèvres.
Oh ! l’extase profonde où nous plongent ces fièvres !
Et vos yeux me disaient qu’ici-bas le divin
Amour est un fantôme et qu’on le cherche en vain
Dans la lumière et dans les grandes multitudes.
Et vos grands yeux versaient sur nos deux solitudes
Lente, avec des frissons magnifiques, la nuit.
Oh ! comme ce passé lointain s’évanouit !
Oh ! l’extase profonde où nous plongent ces fièvres !
Je regardais vos yeux ; vous regardiez mes lèvres.