À genoux/Louange posthume

La bibliothèque libre.
Alphonse Lemerre (p. 74-76).

XXXII

LOUANGE POSTHUME


 
Vous seule avez su me faire
Connaître l’amour si beau
Et toute son atmosphère
Magnifique de tombeau.

Pour me consoler des fièvres
Que rien ne peut apaiser,
Vous avez mis sur mes lèvres
Le délicieux baiser ;


Pour me tirer de l’infâme
Nuit où j’étais sans retour,
Vous avez mis dans mon âme
Le délicieux amour.

Maintenant Dieu vous protège !
Dieu vous donne sa clarté !
Ô ma colombe de neige,
Ma suprême volupté !

Pour qu’après les heures belles,
Quand j’irai dans le séjour
Où souffrent les cœurs rebelles
Qu’a martyrisés l’amour,

Je leur puisse dire encore
Comme je dis aujourd’hui :
« Ses prunelles de phosphore
Illuminaient mon ennui,

« Et ses beaux cheveux de gaze
Étaient les crins beaux et froids
Du divin coursier Pégase
Que j’enfourchais autrefois,


« Et ses belles mains d’ivoire
Où j’ai mis tout mon orgueil
M’apprivoisaient dans la gloire
Et me berçaient dans le deuil. »

Et pour que dans l’enfer morne
Tous ces grands aventureux
Qu’a vaincus le mal sans borne
En soient à jamais heureux,

En entendant ces louanges
Que je leur dirai pour vous,
Reine éternelle des Anges
Que j’adorais à genoux.