À tire-d’aile (Jacques Normand)/21

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Calmann Lévy, éditeur (p. 93-96).

EN AIMANT

I

AUX FEMMES.


Fleurs dont le parfum embaume nos âmes,
Êtres passagers, mortels comme nous,
Mais pétris par Dieu d’un limon plus doux,
Beaux oiseaux du cœur que l’on nomme femmes,
Vous qui faites vivre et parfois mourir,
Faut-il vous aimer, faut-il vous haïr ?

Alors qu’on vous voit simples et sincères,
Sans vaine révolte ou sotte fierté,
Marcher vaillamment à notre côté,

Sœurs d’humanité nous traitant en frères :
Qui pourrait ne pas se laisser charmer,
Ne pas vous bénir, ne pas vous aimer ?

Mais quand vous voulez, parlant d’esclavage,
Secouer un joug qui n’est qu’un lien :
Quand l’homme est pour vous, au lieu d’un soutien,
Un vil serviteur marqué pour l’outrage,
Qu’on peut torturer, dût-il en mourir :
Ah ! du fond du cœur il faut vous haïr !

Et pourtant voyez ! quoi qu’on fasse ou die,
Vos charmes sur nous ont un tel pouvoir,
Que près d’un œil bleu comme d’un œil noir
Tout courroux s’en va, tout chagrin s’oublie :
Un regard suffit pour nous désarmer
Et voulant haïr, nous devons aimer !