À tire-d’aile (Jacques Normand)/46

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Calmann Lévy, éditeur (p. 205-206).

V

AVEU.


La tendre voix du rossignol sauvage
Que nuit et jour on entend retentir,
Charme mon cœur et doucement m’engage
À dire ici ce qui me fait gémir.
Aussi le dois-je avouer sans mentir
À celle-là qui retient en otage
Toute ma vie, et peut en faire usage

À son plaisir.


Je veux lui dire à ma belle trop sage,
Qu’en un moment elle a su conquérir
Par ses doux yeux, le cœur d’un pauvre page
Qui pour jamais jure de la servir.
Je veux lui dire à quel point de désir
En est venu ce cœur jadis volage,
Puisqu’il souhaite, en si cher vasselage,

Toujours souffrir.


Mais quand je vois son chaste et clair visage,
Son front poli qu’un baiser peut ternir,
Voici soudain que s’en va mon courage :
Je n’ose plus ma peine découvrir.
À ses genoux, à force de languir,
Je tombe alors, sans voix et sans langage,
Et je voudrais, en lui rendant hommage,

Ainsi mourir.