À tire-d’aile (Jacques Normand)/9

La bibliothèque libre.
Calmann Lévy, éditeur (p. 49-51).

VIII

BERCEUSE.


À MADAME E. FLEURY
De la Comédie-Française.


Petit pied, petit pied rose
De mon enfant endormi,
Toi qui ne tiens qu’à demi
Quand par terre je te pose,
Alors que tu marcheras
Petit pied, petit pied rose,
Alors que tu marcheras
Qui sait où tu passeras ?


Petit pied, petit pied rose,
La vie est un sentier noir
Où du matin jusqu’au soir
À tomber chacun s’expose ;
Bravement et sans broncher,
Petit pied, petit pied rose,
Bravement et sans broncher
Tâche d’y toujours marcher.

Petit pied, petit pied rose,
Si quelque ronce en chemin
Souille d’un rouge carmin
Ton satin de fleur éclose,
Pense que je suis toujours,
Petit pied, petit pied rose,
Pense que je suis toujours
Prête à te porter secours.

Petit pied, petit pied rose,
Bientôt tu vas me quitter :

Pourquoi ne peux-tu rester
Ignorant en toute chose ?
Et sans chagrin ni douleur,
Petit pied, petit pied rose,
Et sans chagrin ni douleur
Dormir ainsi sur mon cœur ?