École des arts et métiers mise à la portée de la jeunesse/La Marchande de modes

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Anonyme
Traduction par T. P. Bertin.
L. Duprat-Duverger, libraire (1p. Gravure-74).

La Marchande de Modes.


LA
MARCHANDE DE MODES.





Le travail de la marchande de modes et les articles qu’elle fabrique sont très-bien développés dans la vignette. Des chapeaux, des bonnets et des toques sont étalés aux fenêtres de sa boutique, avec une mante, une palatine et un manchon ; la marchande elle-même est occupée dans son comptoir à faire un chapeau. Les cartons que l’on voit à terre sont destinés à contenir l’ouvrage qu’elle porte en ville quand il est fini, ou à renfermer quelques objets de son commerce, comme des plumes, des fleurs artificielles, de la mousseline, de la gaze, du crêpe, etc.

Les tiroirs de la table ou du comptoir sont faits pour serrer des rubans de différentes largeurs, nuances et prix, du fil, de la dentelle, de la soie, etc.

Une marchande de modes doit avoir du goût, de l’imagination et un discernement prompt à distinguer, imiter et perfectionner les différentes modes, qui changent perpétuellement dans les classes les plus distinguées de la société.

La mousseline, qui constitue un des principaux articles de la profession de marchande de modes, est une étoffe très-fine, faite entièrement de coton ; elle tire son nom d’un duvet très-fin que l’on voit à sa surface et qui ressemble à de la mousse. Il est différentes mousselines importées en Angleterre des Indes orientales ; les meilleures sont celles qui viennent du Bengale ; elles sont sujettes à des impôts considérables, qu’on restitue aux marchands s’ils parviennent à les exporter chez l’étranger.

La gaze est une étoffe de soie et quelquefois de fil très-légère, très-fine et très-transparente. Le métier de fabricant de gaze ne diffère pas beaucoup de celui de tisserand ; mais le premier a quelques accessoires qui lui sont particuliers. Il existe beaucoup d’espèces de gazes ; les unes ont des fleurs sur un fond de soie, d’autres sont brochées en or et en argent. Il se fait de la gaze en Angleterre ; mais la plus grande partie en est importée de la Chine.

Le crêpe est une étoffe très-légère, très-transparente, et qui a sous quelques rapports de la ressemblance avec la gaze ; il se forme de soie écrue gommée, tordue sur un rouet et tissée sans que les fils se croisent : on s’en sert pour les habillemens de deuil, et c’est aujourd’hui une étoffe fort à la mode pour les parures de cour.

Le crêpe employé pour le deuil est crépu ou lisse ; le premier est double et annonce un très-grand deuil ; le crêpe simple ou lisse indique le plus petit deuil. Le crêpe reçoit différentes couleurs ; mais la soie s’en teint toujours en écru. La principale fabrique de cette étoffe est à Lyon, en France ; mais il s’en fait beaucoup dans différentes parties de ce royaume.

Le crêpe qui s’emploie à des ajustemens de cour est orné de différentes manières ; quand on en fait des bonnets ou des turbans on le brode en paillettes et en fleurs artificielles, ou on l’enrichit de diamans.

Les paillettes sont de petites lames rondes et minces de métal, percées au milieu, que l’on coud sur des vêtemens. On les fait de la manière suivante : on tourne autour d’une broche de fer du fil de laiton, auquel on fait prendre la forme d’une vis ; on le coupe ensuite en courbes spirales pareilles à celles dont se servent les épingliers, et ces cercles, étant placés sur un tas fort uni, sont aplatis et étendus par un vigoureux coup de marteau, de manière qu’il reste un petit trou dans le milieu ; les extrémités du fil de laiton, qui sont placées l’une sur l’autre, sont alors unies de très-près. Les paillettes en or et en argent ont été fabriquées pour la première fois dans les manufactures de France, où elles ont été fort longtemps un secret ; elles furent néanmoins employées avec beaucoup de succès par la suite en Allemagne et dans d’autres contrées.

Les fleurs artificielles se font quelquefois avec du beau papier de couleur, quelquefois avec des cocons de vers à soie, mais principalement avec de la batiste, espèce de toile de lin fabriquée pour la première fois à Cambrai, en France, et dont il y eut de grandes quantités d’importées dans ce pays. Maintenant toutes les personnes convaincues en Angleterre de porter, de vendre ou de louer de la batiste, du cambric ou du linon de France, sont sujettes à une amende de cinq livres sterling ; les cambrics d’Angleterre se fabriquent en Irlande et en Écosse.

Les rubans employés par les marchandes de modes sont tissés ; il y en a de différentes espèces, qui portent différens noms, comme ceux-ci : rubans chinés, rubans de satin, rubans de taffetas, etc. Les marchandes de modes vendent aussi des manchons et des palatines ; mais ces objets se fabriquent par les marchands de pelleterie.

Les marchandes de modes emploient beaucoup de velours, étoffe fort à la mode.

Le velours est une étoffe de soie à poil court et serré. Il y a du velours à deux poils, à trois poils, à quatre poils, selon la quantité de soie qui entre dans sa fabrication. On appelle velours ras une espèce de velours qui est dépourvu de poil.

La profession de marchande de modes, les étoffes qu’elle emploie et les instrumens dont elle se sert ont donné lieu aux expressions proverbiales suivantes : on dit proverbialement les fous inventent les modes et les sages les adoptent ; proverbialement et figurément on dit, de deux ou trois personnes liées d’amitié et d’intérêt, et toujours d’un même sentiment, ce sont deux ou trois têtes dans un bonnet ; on dit proverbialement et figurément de fil en aiguille pour dire de propos en propos, d’une chose à une autre ; il nous a raconté toute l’histoire de fil en aiguille ; on dit aussi d’une chose qu’on cherche, mais qui est très-difficile à trouver à cause de sa petitesse, c’est chercher une aiguille dans une botte de foin ; enfin on dit proverbialement et figurément donner du fil à retordre pour dire causer de l’embarras.