Élémens de chimie/Partie 1/7

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Imprimerie de Jean-François Picot (p. 129-147).
SECTION SEPTIÈME.


De la combinaison des gaz oxigène & hydrogène formant de l’eau.


L’eau a été long-temps regardée comme un principe élémentaire ; et lorsque des expériences rigoureuses ont forcé les Chimistes à la classer parmi les substances composées, on a éprouvé de toutes parts une résistance et une insurrection qu’on n’avoit pas manifestées, lorsque l’air, la Terre et autres matières réputées élémentaires ont subi la même révolution. Il me paroît néanmoins que son analyse est aussi rigoureuse que celle de l’air : on la décompose par plusieurs procédés, on la forme par la combinaison de l’oxigène et de l’hydrogène, et nous voyons se réunir les phénomènes de la nature et de l’art pour nous convaincre des mêmes vérités. Que faut-il de plus pour nous acquérir une pleine certitude sur un fait physique ?

L’eau est contenue en plus ou moins grande quantité dans les corps, et on peut l’y considérer sous deux états : elle y est, ou dans l’état d’un simple mélange, ou dans un état de combinaison : dans le premier cas, elle rend les corps humides, elle est sensible à l’œil, et peut être dégagée avec la plus grande facilité ; dans le second, elle ne présente aucun caractère qui annonce qu’elle y est à l’état de mélange, elle est sous cette forme dans les crystaux, les sels, les plantes, les animaux, etc. C’est cette eau que le cél. Bernard de Palissy a appellée eau générative, et dont il a fait un cinquième élément pour la distinguer de l’eau exhalative.

L’eau combinée dans les corps concourt à leur donner la dureté et la transparence : les sels et la plupart des crystaux pierreux perdent leur diaphanéité en perdant leur eau de crystallisation.

Quelques corps doivent à l’eau leur fixité : les acides, par exemple, n’acquèrent de la fixité qu’en se combinant avec l’eau.

Sous ces divers points de vue, l’eau peut être considérée comme le ciment général de la nature : les pierres et les sels qui en sont privés deviennent pulvérulens ; et l’eau facilite le rapprochement, la réunion et la consistance des débris de pierres, de sels, etc. comme nous le voyons dans les opérations qu’on fait sur les plâtres, les luts, les mortiers, etc.

L’eau dégagée de ses combinaisons, et mise dans un état de liberté absolue, joue un des premiers rôles dans les opérations de ce globe : elle concourt à la formation et à la décomposition de tous les corps du règne minéral ; elle est nécessaire à la végétation et au libre exercice du plus grand nombre des fonctions du corps animal, et elle en hâte et facilite la destruction dès que ces êtres ne sont plus animés du principe de vie.

On a cru pendant quelque temps que c’étoit une terre fluide : la distillation, la trituration et la putréfaction de l’eau qui laissoient toujours un résidu terreux, ont fait croire à sa conversion en terre : on peut consulter a ce sujet Walierius et Margraaf ; mais M. Lavoisier a fait voir que cette terre provenoit du detritus des vaisseaux ; et le cél. Schéele a démontré l’identité de la nature de cette terre avec celle des vaisseaux de verre dans lesquels se faisoient ces opérations ; de sorte que les opinions sont fixées aujourd’hui à cet égard.

Pour prendre une idée exacte d’une substance aussi essentielle à connoître, nous considérerons l’eau sous ses trois états différens, de solide, de liquide et de gaz.


ARTICLE PREMIER.

De l’eau à l’état de glace.


La glace est l’état naturel de l’eau, puisqu’elle y est dépourvue d’une portion du calorique, avec lequel elle est combinée lorsqu’elle se présente sous forme liquide ou gazeuse.

La conversion de l’eau en glace nous offre quelques phénomènes assez constans.

A. Le premier de tous, et en même temps le plus extraordinaire, c’est une production sensible de chaleur dans le moment que l’eau passe à l’état solide : les expériences de MM. Farheneit, Treiwald, Baumè, de Ratte ne laissent aucun doute à ce sujet : de sorte que l’eau est plus froide au moment qu’elle se gèle que la glace elle-même.

Une agitation légère du fluide facilite sa conversion en glace, à-peu-près comme le plus léger mouvement détermine assez souvent la crystallisation de certains sels : cela tient, peut-être, à ce que, par ce moyen, on exprime et on dégage le calorique interposé qui s’opposoit à la production du phénomène ; ce qui paroît le prouver, c’est que le thermomètre monte, dès le même instant, selon Farheneit.

B. L’eau glacée occupe plus de volume que l’eau fluide : nous devons les preuves de cette vérité à l’Académie del Cimento, qui a vu des bombes et les corps les plus durs remplis d’eau se briser en éclats par la congélation de ce fluide : le tronc des arbres se partage et se divise avec fracas dès que la sève s’y gèle : les pierres se fendent du moment que l’eau dont elles sont imprégnées passe à l’état de glace.

C. La glace ne paroît être qu’une crystallisation confuse : M. de Mayran a vu les aiguilles de glace s’unir sous un angle de 60 ou de 120 degrés.

M. Pellettier a trouvé dans un morceau de glace fistuleux des crystaux en prismes quadrangulaires aplatis terminés par deux sommets dihèdres.

M. Sage observe que, si l’on rompt une masse de glace qui contienne de l’eau dans son centre, celle-ci s’écoule, et l’on trouve la cavité tapissée de beaux prismes tétraèdres terminés par des pyramides à quatre pans ; souvent ces prismes sont articulés et croisés. V. M. Sage, analyse chimique, t. 1, p. 77.

M. Macquart a observé que quand la neige tombe à Moscou, et que l’atmosphère n’est pas trop sèche, on la voit chargée de charmantes crystallisations aplaties régulièrement, et aussi minces qu’une feuille de papier, c’est une réunion de fibres qui partent du même centre pour former six principaux rayons qui se divisent eux-mêmes en petits faisseaux extrêmement brillans ; il a vu beaucoup de ces rayons aplatis qui avoient dix lignes de diamètre.

D. En passant de l’état solide à l’état liquide, il se produit du froid par l’absorption d’une portion de chaleur : c’est ce qui est confirmé par les belles expériences de Wilke.

Cette production du froid par la fonte de la glace, est encore prouvée par l’usage où sont les limonadiers de fondre certains sels avec la glace pour déterminer un froid sous 0.

La glace présente en plusieurs endroits de grandes masses qui sont connues sous le nom de glaciers : certaines montagnes en sont constamment couvertes, et les mers du sud en sont surchargées : la glace formée par l’eau salée produit de l’eau douce par sa dissolution ou sa fonte, et dans quelques Provinces du nord on concentre l’eau de la mer par la gelée pour rapprocher le sel qui y est dissous ; j’ai vu également se précipiter plusieurs sels métalliques, en exposant leurs dissolutions à une température suffisante pour les geler, la glace qui en étoit formée n’avoit point le caractère du sel qui étoit dissous.

La grêle et la neige ne sont que des modifications de la glace : on peut considérer la grêle comme produite par le dégagement subit du fluide électrique qui concourt à rendre l’eau fluide, elle est presque toujours annoncée par des coups de tonnerre : les expériences de M. Quinquet ont confirmé cette théorie. Je rapporterai un fait dont j’ai été témoin à Montpellier, et dont les Physiciens pourront se servir avec avantage : le 29 Octobre 1786 il tomba quatre pouces d’eau à Montpellier ; un violent coup de tonnerre, qu’on entendit vers les quatre heures du soir, et qui éclata très-bas, décida une chute de grêle épouventable ; un Droguiste, qui étoit occupé dans sa cave à remédier ou à prévenir les dégâts occasionnés par la transudation de l’eau à travers le mur, fut très-étonné en voyant que tout à coup l’eau qui suintoit sur la muraille tomboit en glaçons ; il appela plusieurs voisins pour partager sa surprise ; je fus visiter ce lieu, un quart d’heure après, et trouvai dix livres de glace amoncelées au pied du mur ; je m’assurai qu’elle n’avoit pas pu passer à travers le mur, qui ne laissoit appercevoir aucune lezarde et étoit par-tout dans le meilleur état. La même cause qui décida la formation de la grêle dans l’atmosphère agit-elle également dans cette cave ? Je consigne un fait et m’interdis toute conjecture.


ARTICLE SECOND.

De l’eau à l’état liquide.


Si l’état naturel de l’eau paroît être la glace, son état ordinaire est celui de liquide, et sous cette forme elle a quelques propriétés générales dont nous allons nous occuper.

Les expériences de l’Académie del Cimento avoient fait refuser à l’eau toute élasticité, puisqu’enfermée dans des boules de métal fortement comprimées elle s’échappoit par les pores plutôt que de céder à la pression : mais de nos jours MM. Zinmermann et l’Abbé Mongéz ont prétendu prouver son élasticité par les mêmes expériences sur lesquelles on avoit établi l’opinion contraire.

L’état liquide rend la force d’aggrégation de l’eau moins puissante, et elle se combine plus facilement sous cette forme.

L’eau qui coule sur la surface de notre globe n’est jamais pure : l’eau de pluie est même rarement exempte de quelque mélange, comme il paroît par la belle suite d’expériences du célèbre Margraaf. Je me suis assuré à Montpellier, que l’eau des pluies d’orage étoit plus mélangée que celle d’une pluie douce, que l’eau qui tombe la première est moins pure que celle qui vient après quelques heures ou quelques jours de pluie, que l’eau qui tombe par le vent marin ou du sud contient du sel marin, tandis que celle qui est produite par un vent du nord n’en contient pas un atome.

Hippocrate a fait des observations très-importantes sur les diverses qualités de l’eau, relativement à la nature du sol, à la température du climat, etc.

Comme il importe au Chimiste d’avoir à sa disposition de l’eau très-pure pour les diverses opérations délicates, il est nécessaire d’indiquer les moyens qu’on peut mettre en usage pour porter une eau quelconque à ce degré de pureté.

On purifie l’eau par la distillation : cette opération se fait dans des vaisseaux qu’on appelle alambics.

L’alambic est composé de deux pièces, d’une chaudière ou cucurbite et d’un couvercle appelé chapiteau.

On met de l’eau dans la cucurbite, on l’élève en vapeurs, par le moyen du feu, et on condense ces mêmes vapeur en raffraîchissant le chapiteau avec de l’eau froide ; ces vapeurs condensées coulent dans un vase destiné à les recevoir ; c’est là ce qu’on appelle eau distillée : elle est pure parce qu’elle a laissé dans la cucurbite les sels et autres principes fixes qui en altéroient la pureté.

La distillation est d’autant plus prompte et plus facile que la pression de l’air est moindre sur la surface du liquide stagnant : M. Lavoisier a distillé le mercure dans le vide ; et M. l’Abbé Rochon a fait une heureuse application de ces principes à la distillation : c’est à ce même principe que l’on doit rapporter les observations de presque tous les Naturalistes et Physiciens qui ont vu que l’ébullition d’un liquide devenoit plus facile à mesure qu’on s’élevoit sur une montagne, et c’est par une suite de ces mêmes principes que M. Achard a construit un instrument pour juger de la hauteur des montagnes par les degrés de l’ébullition ; MM. l’Abbé Monge et Lamanon ont observé que l’éther s’évaporoit avec une prodigieuse facilité sur le pic de ténériffe, M. de Saussure a confirmée ces principes sur les montagnes de la Suisse.

Il se fait par-tout à la surface de notre globe une véritable distillation : la chaleur du soleil élève l’eau en vapeurs, celles-ci séjournent pendant quelque temps dans l’atmosphère, et retombent ensuite par le seul refroidissement pour former ce qu’on appelle serein ; cette ascension et cette chute qui se succèdent lavent et purgent l’atmosphère de tous les germes qui par leur corruption ou leur développement la rendroient infecte, et c’est peut-être cette combinaison de divers miasmes avec l’eau qui rend le serein si malsain.

C’est à une semblable distillation naturelle que nous devons rapporter le passage alternatif de l’eau de l’état liquide à l’état de vapeurs, ce qui forme les nuages, et par ce moyen porte les eaux du sein des mers sur le sommet des montagnes, d’où elles se précipitent en torrens pour se rendre dans le lit commun.

Nous trouvons des traces de la distillation de l’eau dans les siècles les plus reculés : les premiers navigateurs dans les isles de l’Archipel remplissoient leurs marmites d’eau salée, et en recevoient la vapeur par des éponges placées dessus ; successivement on a perfectionné le procédé de distiller l’eau de la mer ; et M. Poissonnier a fait connoître un appareil très-bien entendu pour se procurer sur mer de l’eau douce en tout temps et en abondance.

L’eau pure, pour être saine, a besoin d’être agitée et de se combiner avec l’air de l’atmosphère ; de-là vient sans-doute que l’eau provenant immédiatement de la fonte des neiges est mauvaise pour la boisson.

Les caractères des eaux potables sont les suivans.

1°. Une saveur vive, fraîche et agréable.

2°. La propriété de bouillir facilement et de bien cuire les légumes.

3°. La vertu de dissoudre le savon sans grumeaux.


ARTICLE TROISIÈME.

De l’eau à l’état de gaz.


Plusieurs substances sont naturellement dans l’état de fluide aériforme, au degré de température de l’atmosphère, telles sont l’acide carbonique et les gaz oxigène, hydrogène et nitrogène.

D’autres substances s’évaporent à un degré de chaleur très-voisin de celui dans lequel nous vivons : l’éther et l’alkool sont dans ce cas ; la première de ces liqueurs passe à l’état de gaz à la température de 35 degrés, la seconde à celle de 80.

Quelques-unes demandent une chaleur plus forte, telles que l’eau, les acides sulfurique, nitrique, l’huile, etc.

Pour convertir l’eau en fluide aériforme, MM. de Laplace et Lavoisier ont rempli une cloche de mercure, et l’ont renversée sur une soucoupe remplie de ce métal ; on a fait passer deux onces d’eau dans cette cloche, et on a donné au mercure une chaleur de 95 à 100 degrés en le plongeant dans une chaudière pleine d’eaumère de nitre, l’eau s’est raréfiée et a occupé toute la capacité.

L’eau en passant à travers des tuyaux de pipe rougis au feu se réduit en gaz, d’après MM. Priestley, Kirwan. L’éolipile, la pompe à feu, la marmite de papin, le procédé des verriers qui soufflent de gros ballons en jetant par la canne une bouchée d’eau, nous prouvent la conversion de l’eau en gaz.

Il s’ensuit de ces principes, que la volatilisation de l’eau n’étant que la combinaison directe du calorique avec ce liquide, les portions d’eau qui sont le plus immédiatement exposées à la chaleur doivent être les premières volatilisées, et c’est là ce qu’on observe journellement, car on voit constamment l’ébullition s’annoncer dans la partie la plus chauffée ; mais lorsque la chaleur est appliquée également à toutes les parties, l’ébullition est générale.

Plusieurs phénomènes nous avoient engagés à croire que l’eau pouvoit se convertir en air : le procédé des verriers pour souffler les ballons, l’orgue hydraulique du Père Kircher, les phénomènes de l’éolipile, les expériences de MM. Priestley et Kirwan, la manière d’attiser le feu en répandant sur les charbons une petite quantité d’eau, tout cela paroissoit annoncer la conversion de l’eau en air ; mais on étoit loin de penser que la plupart de ces phénomènes fussent produits par la décomposition de ce fluide, et il a fallu le génie de M. Lavoisier pour porter ce point de doctrine au degré de certitude et de précision où il me paroît être parvenu.

MM. Macquer, de la Metherie avoient déjà observé que la combustion de l’air inflammable produisoit beaucoup d’eau ; M. Cavendish confirmoit ces expériences en Angleterre par la combustion rapide de l’air vital et de l’air inflammable ; mais MM. Lavoisier, de Laplace, Monge, Meusnier, ont prouvé, que la totalité de l’eau pouvoit être convertie en hydrogène et oxigène, et que la combustion de ces deux gaz produisoit un volume d’eau proportionné au poids des deux principes employés à cette expérience.

1°. Si on met au-dessus du mercure, dans une petite cloche de verre, une quantité connue d’eau distillée et de limaille de fer, il se dégagera peu à peu de l’air inflammable, le fer se rouillera, l’eau qui l’humecte diminuera et finira par disparoître : le poids de l’air inflammable qui est produit et l’augmentation en pesanteur du fer équivalent au poids de l’eau employée : il paroît donc prouvé que l’eau s’est réduite en deux principes, dont l’un est l’air inflammable, et l’autre est le principe qui s’est combiné avec le métal ; or nous savons que l’oxidation des métaux est due à l’air vital, par conséquent les deux substances produites, l’air vital et l’air inflammable, résultent de la décomposition de l’eau.

2°. En faisant passer de l’eau en vapeurs à travers un tube de fer rougi au feu, le fer s’oxide, et on obtient de l’hydrogène à l’état de gaz ; l’augmentation en poids du métal et le poids de l’hydrogène obtenu forment précisément la pesanteur de l’eau employée.

L’expérience faite à Paris, en présence d’une commission nombreuse de l’Académie, me paroît ne plus laisser de doute sur la décomposition de l’eau.

On prit un canon de fusil dans lequel on introduisit du gros fil de fer aplati sous le marteau, on pesa le fer et le canon, on enduisit le canon avec un lut propre à le garantir du contact de l’air, il fut ensuite placé dans un fourneau et on l’inclina de manière que l’eau pût y couler ; on plaça à son extrémité la plus élevée un entonnoir destiné à contenir l’eau et à ne la lâcher que goutte à goutte par le moyen d’un robinet, l’entonnoir étoit fermé pour éviter toute évaporation de l’eau ; à l’autre extrémité du canon étoit placé un récipient tubulé destiné à recevoir l’eau qui passeroit sans se décomposer ; à la tubulure du récipient étoit adapté l’appareil pneumato-chimique. Pour plus de précaution, on fit le vide dans tout l’appareil avant l’opération ; enfin, dès que le canon fut rougi, on y introduisit l’eau goutte à goutte, on retira beaucoup de gaz hydrogène ; et, l’expérience finie, le canon eut acquis du poids, les bandes de fer qui étoient dedans furent converties en une couche d’oxide de fer noir ou d’éthiops martial cristallisé comme la mine de fer de l’isle d’Elbe ; on s’assura que le fer étoit dans le même état que celui qui est brûlé dans le gaz oxigène, et l’augmentation du poids du fer plus celui de l’hydrogène formèrent exactement celui de l’eau employée.

On brûla le gaz hydrogène obtenu avec une quantité d’air vital égale à celle qui avoit été retenue par le fer, et on recomposa les 6 onces d’eau.

3°. MM. Lavoisier et de Laplace, en brûlant dans un appareil convenable un mélange de 14 parties de gaz hydrogène et de 86 oxigène, ont obtenu une quantité d’eau proportionnée. M. Monges obtenoit les mêmes résultats à Mezière dans le même temps.

L’expérience la plus concluante, la plus authentique qu’on ait faite sur la composition ou la synthèse de l’eau, est celle qui a été commencée le mardi 23 Mai, et terminée le samedi 7 Juin 1788 au Collège royal, par M. Lefevre de Gineau.

Le volume du gaz oxigène consommé, réduit à la pression de 28 pouces de mercure à la température de 10 degrés thermomètre de Réaumur, étoit de 35085 pouces cubes, et son poids de 254 gros 10,5 grains.

Le volume du gaz hydrogène étoit de 74967,4 pouces cubes, et le poids 66 gros 4,3 grains.

Le gaz nitrogène et l’acide carbonique qui étoient mêlés avec ces gaz et qu’on a tirés du récipient en neuf reprises, pesoient 39,23 grains.

Le gaz oxigène contenoit de son poids acide carbonique ; ainsi le poids des gaz brûlés étoit de 280 gros 63,8 grains, ce qui fait 2 livres 3 onces 0 gros 63,8 grains.

Les vaisseaux ont été ouverts en présence de MM. de l’Académie des Sciences et de plusieurs autres savans, et on a trouvé 2 livres 3 onces 0 gros 33 grains d’eau : ce poids répond à celui des gaz employés, à 31 grains près ; ce deficit peut provenir du calorique qui tient les gaz en dissolution, qui se dissipe lorsqu’ils se fixent, et doit nécessairement occasionner une perte.

L’eau étoit acidulé au goût, et a donné 27 grains acide nitrique, lequel acide est produit par la combinaison des gaz nitrogène et oxigène.

D’après l’expérience de la décomposition de l’eau, 100 parties de ce fluide contiennent,

Oxigène 
84,2636 = 84
Hydrogène 
15,7364 = 15

D’après l’expérience de la composition, 100 parties d’eau contiennent,

Oxigène 
84,8 = 84
Hydrogène 
15,2 = 15

Indépendamment de ces expériences d’analyse et de synthèse, les phénomènes que nous présente l’eau dans ses divers états confirment nos idées au sujet des principes constituans que nous lui reconnoissons : l’oxidation des métaux dans l’intérieur de la terre et à l’abri de l’air atmosphérique, l’efflorescence des pyrites et la formation des ochres sont des phénomènes inexplicables sans le secours de cette théorie.

L’eau étant composée de deux principes connus doit agir, comme les autres corps composés que nous connoissons, en raison des affinités de ses principes constituans ; elle doit donc céder tantôt l’hydrogène, tantôt l’oxigène.

Si on la met en contact avec des corps qui aient la plus grande affinité avec l’oxigène, tels que les métaux, les huiles, le charbon, etc. le principe oxigène s’unira à ces substances, et l’hydrogène devenu libre se dissipera ; c’est ce qui arrive lorsqu’on dégage le gaz hydrogène en faisant agir les acides sur quelques métaux, ou lorsqu’on plonge un fer incandescent dans l’eau, comme l’ont observé MM. Hassenfratz, Stoulfz et d’Hellancourt.

Dans les végétaux, au contraire, il paroît que c’est l’hydrogène qui se fixe, tandis que l’oxigène est facilement poussé au dehors.