Étude sur la convention de Genève pour l'amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne (1864 et 1868)/02/04

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Art. 4. Le matériel des hôpitaux militaires demeurant soumis aux lois de la guerre, les personnes attachées à ces hôpitaux ne pourront, en se retirant, emporter que les objets qui seront leur propriété particulière.

Dans les mêmes circonstances, au contraire, l’ambulance conservera son matériel.

§ 1er. Cet article s’occupe du matériel sanitaire, et détermine à qui la propriété doit en être attribuée, lorsque le personnel qui s’en servait se retire, et qu’il ne reste ni blessés ni malades ennemis à soigner. Il fait suite, par conséquent, à l’article 1er, qui s’occupe seulement de la période pendant laquelle les ambulances et les hôpitaux contiennent des blessés ou des malades.

§ 2. Une distinction essentielle doit être faite entre les ambulances et les hôpitaux. Ces derniers demeurent soumis aux lois habituelles de la guerre, c’est-à-dire qu’ils deviennent la propriété du vainqueur, qui en prend possession dès que le vaincu n’en a plus besoin pour son propre usage (voy. art. 1er, § 4). Cette disposition est d’autant plus équitable que l’obligation créée, comme nous le verrons, par l’article 6, de soigner les blessés sans distinction de nationalité, est tout particulièrement onéreuse pour le vainqueur[1]. Le personnel, en s’en allant, ne peut donc emporter que les objets qui sont sa propriété particulière.

Les Sociétés de secours ont vivement réclamé contre cette disposition[2], et plusieurs gouvernements auraient désiré, comme elles, que la neutralité fût étendue au matériel hospitalier tout entier. On a donné surtout pour raison de ce changement, que le personnel sanitaire, responsable aussi bien du matériel que des blessés qui lui sont confiés, serait fort embarrassé de savoir comment se comporter à l’approche de l’ennemi. S’il sait que les blessés n’ont rien à redouter de celui-ci, mais que le matériel sera perdu, n’est-il pas à craindre qu’il évacue l’hôpital en emportant les lits et le mobilier pour les mettre à l’abri, et en laissant les blessés dans le dénûment, jusqu’à ce qu’ils soient recueillis par l’envahisseur ? On a cité des exemples à l’appui de cette hypothèse ; mais, il faut bien le dire, il s’agissait, dans ces cas là, de médecins qui avaient intérêt à se sauver eux-mêmes, et qui auront trouvé commode de légitimer ainsi leur conduite. D’autres, dans des circonstances analogues, ont emmené du moins les blessés avec eux, comme ce fut le cas en 1866, à Babenhausen pour l’armée allemande, et à Laufach pour l’armée prussienne[3]. Sous le régime établi par la Convention, rien de pareil ne peut avoir lieu, surtout depuis que l’article 1er additionnel a obligé les médecins à rester auprès de leurs patients. Ni les uns ni les autres ne se retirant, il n’y aura personne pour emporter le matériel. D’autre part, les blessés n’ont aucun intérêt à ce que ce matériel soit neutralisé, et rien, dès lors, ne justifie une loi d’exception en sa faveur.

§ 3. Mais il en est autrement des ambulances, et sous cette dénomination nous devons comprendre, comme dans l’article 1er, en vertu de l’article 3 additionnel, les hôpitaux de campagne et autres établissements temporaires qui suivent les troupes sur les champs de bataille, pour y recevoir des malades et des blessés.

Les ambulances sont beaucoup plus exposées à être prises que les hôpitaux, dont elles constituent en quelque sorte l’avant-garde, puisque leur tâche consiste à s’aventurer le plus près possible de l’ennemi. Qu’un hôpital soit neutre ou ne le soit pas, il ne rendra ni plus ni moins de services ; en sa qualité d’établissement fixe, il attend que les blessés viennent à lui, et son utilité dépend de la direction que suivent les armées belligérantes. Pour l’ambulance, il n’en est point ainsi : mobile par nature, il faut qu’elle puisse se porter partout où sa présence est nécessaire, et c’est causer un préjudice considérable à ceux qu’elle doit secourir que de l’empêcher de parvenir jusqu’à eux. Ce que nous avons dit, en parlant de l’article 3, de l’utilité qu’il y aurait à ce que l’ambulance pût fonctionner sur le champ de bataille après le combat, plaide fortement en faveur de sa neutralité. Plus elle sera libre dans ses mouvements, plus aussi les blessés seront vite recueillis et pansés. C’est donc accroître notablement son efficacité que de lui assurer, lorsqu’elle est prise dans l’exercice de ses fonctions, une neutralité absolue.

Tandis que le personnel d’un hôpital, après avoir quitté celui qu’il occupait, trouvera facilement de l’emploi dans un autre, le personnel d’une ambulance serait en quelque sorte réduit à l’impuissance, si on le dépouillait de ses moyens d’action c’est-à-dire de son matériel[4]. Les désunir serait une mesure très-rigoureuse, et l’on s’explique aisément cette déclaration de l’article 4 : l’ambulance conservera son matériel.

Elle est d’autant moins compromettante, que le matériel d’une ambulance, comparé à celui d’un hôpital, est peu de chose et constituerait un maigre butin[5]. Le vainqueur a d’ailleurs bien plus d’intérêt à garder le matériel de l’hôpital que celui de l’ambulance, par le fait qu’il peut l’utiliser, non-seulement pour des malades, mais encore pour des bien-portants.

  1. Löffler, ouvrage cité, 67.
  2. 1867, I, 231 à 237, II, 71 ; — voir aussi Naundorff, ouvrage cité, 488, et commentaire sur l’art.1 (supra), § 2.
  3. Erfahungen, u. s. w. 86. Rapport du Dr Lorenz.
  4. 1864, 17.
  5. 1864, 17.