Évangile d’une grand’mère/92

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Librairie de L. Hachette et Cie (p. 246-248).

XCII

LES OUVRIERS DE LA VIGNE.



« Le Royaume des Cieux est semblable à un père de famille, qui sortit de grand matin afin de louer des ouvriers pour sa vigne. En ayant trouvé quelques-uns, il convint avec eux d’un denier par jour et il les envoya à sa vigne.

« Vers la troisième heure du jour, étant sorti une seconde fois, il vit d’autres ouvriers, qui étaient sans rien faire sur la place, et il leur dit :

« Allez, vous aussi, à ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste. »

« Et ils y allèrent. Il sortit encore vers la sixième, puis la neuvième heure, et fit de même.

« Enfin, étant sorti vers la onzième heure, il en trouva d’autres qui étaient oisifs ; il leur dit :

« Pourquoi êtes-vous ici tout le jour sans rien faire ? » Ils répondirent : « Parce que personne ne nous a loués. » Il leur dit :

« Allez, vous aussi, à ma vigne. »

« Sur le soir, le maître de la vigne dit à son Intendant :

« Appelez les ouvriers et payez-les en commençant par les derniers venus. »

« Ceux donc qui avaient été appelés vers la onzième heure s’approchèrent et ils reçurent chacun un denier.

« Les premiers venant ensuite, ils pensaient qu’ils recevraient davantage ; mais ils reçurent de même chacun un denier. En le recevant, ils murmuraient contre le père de famille, disant :

« Ces derniers ont travaillé une heure et vous les traitez comme nous, qui avons porté le poids du jour et de la chaleur. »

« Mais lui, leur répondant, dit :

« Mon ami, je ne vous fais pas de tort ; n’êtes-vous pas convenu avec moi d’un denier ? Prenez ce qui est à vous, et allez. Je veux donner à ce dernier comme à vous. Est-ce qu’il ne m’est pas permis de faire ce que je veux ? Et pourquoi voyez-vous de mauvais œil que je sois bon ? Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers. Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »

Élisabeth. Grand’mère, je trouve que les ouvriers qui ont travaillé toute la journée avaient raison de se plaindre ; car ils ont travaillé douze heures et les autres une heure, et on ne leur a pas donné plus qu’aux derniers.

Grand’mère. En effet, si l’on prenait cette parabole à la lettre, il y aurait là quelque chose d’étrange ; et les premiers ouvriers pouvaient espérer d’être payés plus que les derniers venus. Mais ce n’est pas là le sens des paroles du Sauveur. Il veut uniquement faire comprendre aux Juifs orgueilleux et entêtés, que Dieu ne leur fait aucun tort en admettant tous les autres peuples au bonheur de connaître Jésus-Christ, le Sauveur du monde. Le denier donné en récompense à tous les ouvriers, aux derniers comme aux premiers, représente Jésus-Christ qui se donne, avec un égal amour, aux Juifs et aux païens, à tous les hommes de bonne volonté. Cette promesse du denier fait par le père de famille, c’est Jésus-Christ promis comme Sauveur dès le commencement du monde.

Jacques. Et pourquoi le maître ne chasse-t-il pas ceux qui murmuraient ?

Grand’mère. Parce que Notre-Seigneur, qui est infiniment bon, pardonne leur mécontentement et se borne à leur expliquer ce qui leur paraît injuste ; il termine en disant :

« Et pourquoi me regardez-vous de mauvais œil, parce que je suis bon ? »

Jeanne. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. Cela veut dire : Parce que je suis bon pour ces hommes, parce que je récompense leur bonne volonté, faut-il que vous en soyez jaloux, que vous les regardiez d’un œil méchant ?

Après cette parabole, Jésus, montant le chemin qui allait à Jérusalem, prédit encore à ses disciples qu’il allait à Jérusalem pour être livré aux Princes des Prêtres et aux Scribes qui le condamneraient à mort ; et qu’ils le livreraient au peuple pour être tourmenté, flagellé, crucifié ; mais qu’il ressusciterait le troisième jour.