Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 111

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Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 124-125).

FABLE CXI.

LE FINANCIER ET LE MENDIANT.


Quoi ! verrai-je toujours un chien à ton côté ?
Nourrir cet animal, quelle nécessité ?
Manquant pour toi de pain, c’est une extravagance ;
Disoit un financier à certain mendiant.
Si j’avois quelque droit dans un gouvernement,
De partager ainsi leur subsistance

À tous les gueux je ferois la défense :
On verroit assommer leur chien
Sitôt qu’il oseroit paroître.
— Grâces au ciel, monsieur, vous n’êtes pas le maître !
Mon cher et fidèle gardien
À la main bienfaisante, hélas ! ne coûte rien :
Non, de ce pain qu’on me dispense,
Personne encor pour lui n’a grossi la pitance.
Un jour, si comme moi vous perdez votre bien,
Les revers sont fréquens dans cette triste vie,
(Grands seigneurs, financiers, chacun le doit savoir,)
Vous priseriez d’un chien la douce compagnie,
Car c’est le seul ami qu’un pauvre puisse avoir.