Œuvres complètes de Béranger/Bonsoir
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BONSOIR
Mon cher Laisney, trinquons, trinquons encore
À nos beaux jours promptement écoulés.
Comme ils sont loin les feux de notre aurore !
Que de plaisirs avec eux envolés !
Mais de regrets faut-il qu’on se repaisse ?
Non ; la gaîté nourrit encor l’espoir.
Mon vieil ami, quand pour nous le jour baisse,
Souhaitons-nous un gai bonsoir.
Cinquante hivers ont passé sur ta tête ;
J’ai de bien près cheminé sur tes pas.
Mais ces hivers ont eu leurs jours de fête ;
Tout ne fut point aquilons et frimas.
Aurions-nous mieux employé la jeunesse,
Vécu moins vite avec un riche avoir ?
Mon vieil ami, quand pour nous le jour baisse,
Souhaitons-nous un gai bonsoir.
Dans l’art des vers c’est toi qui fus mon maître ;
Je t’effaçai sans te rendre jaloux.
Si les seuls fruits que pour nous Dieu fit naître
Sont des chansons, ces fruits sont assez doux.
Dans nos refrains que le passé renaisse ;
L’illusion nous rendra son miroir.
Mon vieil ami, quand pour nous le jour baisse,
Souhaitons-nous un gai bonsoir.
Reposons-nous ; car les Amours, sans doute,
Pour qui jadis nous avons tant marché,
Nous crîraient tous, s’ils nous trouvaient en route :
Allez dormir, le soleil est couché.
Mais l’Amitié, l’ombre fût-elle épaisse,
Vient allumer nos lampes pour y voir.
Mon vieil ami, quand pour nous le jour baisse,
Souhaitons-nous un gai bonsoir.
q. C’est dans son imprimerie que je fus mis en apprentissage. N’ayant pu parvenir à m’enseigner l’orthographe, il me fit prendre goût à la poésie, me donna des leçons de versification, et corrigea mes premiers essais.
Air noté dans Musique des chansons de Béranger :
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