Œuvres complètes de Béranger/Bouquet à une dame âgée de soixante-dix ans
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BOUQUET
DE SAINTE-MARGUERITE
Laissons la musique nouvelle ;
Notre amie est du bon vieux temps.
Sur un air aussi simple qu’elle
Chantons des couplets bien chantants.
L’esprit du jour a son mérite,
Mais c’est surtout lui que je crains :
Ses traits si fins
Me semblent vains,
Pour les entendre il faudrait des devins.
Amis, chantons à Marguerite
De vieux airs et de gais refrains.
Elle a chanté dans sa jeunesse
Ces couplets comme on n’en fait plus,
Où Favart peignait la tendresse,
Où Panard frondait les abus.
Contre l’humeur qui nous irrite,
Quels antidotes souverains !
Leurs vers badins,
Francs et malins,
Aux moins joyeux faisaient battre des mains.
Ah ! Rappelons à Marguerite
Leurs vieux airs et leurs gais refrains.
C’est un charme que la mémoire :
On se répète jeune ou vieux.
Les refrains forment notre histoire ;
Il faut tâcher qu’ils soient joyeux.
Amusons le temps qui trop vite
Entraîne les pauvres humains ;
Et les destins
Sur nos festins
Faisant briller des jours longs et sereins,
Que dans trente ans pour Marguerite
Nos couplets soient de gais refrains !
À table alors venant nous rendre,
Tous le front ridé par les ans,
Dans une accolade bien tendre,
Nous mêlerons nos cheveux blancs.
Les souvenirs naîtront bien vite ;
Nos cœurs émus en seront pleins.
Moments divins !
Les noirs chagrins
Fuyant au bruit des transports les plus saints,
Sur les cent ans de Marguerite
Nous chanterons de gais refrains !
Air noté dans Musique des chansons de Béranger :
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