Œuvres complètes de Frédéric Ozanam, 3e édition/Volume 10/017
Monseigneur,
Quand l’année dernière quelques jeunes gens
catholiques témoignèrent à Votre Grandeur le désir
d’entendre de la chaire de vérité une prédication
spéciale, destinée à encourager la foi de ceux qui
croient encore, et à la ranimer dans ceux qui ne
croient plus ; vous daignâtes les accueillir avec une
paternelle bonté Votre cœur les avait compris, et
ils rapportèrent à ceux de qui ils étaient envoyés,
des paroles de consolation et d’espérance.
Jusqu’ici cette espérance n’a pu se réaliser, et
pourtant les mêmes besoins subsistent aujourd’hui,
rendus plus sensibles par une longue attente.
En poursuivant pendant une année encore les
études par lesquelles la Providence veut que nous
passions, plus que jamais nous avons pu reconnaître
combien elles sont sèches pour le cœur et stériles pour l’intelligence quand l’esprit religieux
ne vient pas les animer. Plus que jamais nous avons
senti la nécessité d’un enseignement chrétien qui
sanctifie pour nous la science et nous la montre
comme la sœur de la foi. L’avidité, générale aujourd’hui,
des jeunes intelligences pour les études
sérieuses n’a point trouvé l’aliment qu’elle cherchait
dans de vains systèmes que chaque jour voit
changer, et que la raison abandonnée à elle-même
élève et détruit. La religion seule, avec sa sagesse
immuable, peut combler ce vide ; déjà nous avons
éprouvé une consolation bien douce à voir plusieurs
de nos condisciples revenir à cette lumière dont ils
ne s’étaient éloignés que parce qu’ils ne la connaissaient
pas. Oh si nous pouvions voir cet exemple
suivi par toute cette jeunesse des écoles à laquelle.
il ne manque pour aimer le christianisme que d’en
savoir la beauté cette jeunesse, Monseigneur, que
vous auriez voulu bénir tout entière, ce jour où
vous bénissiez quelques-uns d’entre nous qui vinrent
vous parler d’elle.
Dans cette vue, nous venons renouveler à Votre Grandeur la demande que nous lui avions soumise. Il est un âge où l’homme, revenu de ses premiers enchantements et quelquefois de ses premières erreurs, éprouve le besoin d’une doctrine certaine, qui d’une part affermisse son intelligence, coordonne et vivifie ses première études en les rattachant à un ordre d’idées supérieur, et d’un autre côté, prépare sa vertu en lui traçant des règles de cette vie sociale où il va prendre une position définitive. La religion seule peut lui donner cette virilité d’âme nécessaire pour accomplir sa mission. Voilà pourquoi nous eussions désiré des conférences où l’on ne se fût pas borné à entrer dans le détail des preuves de fait du christianisme, à démontrer l’authenticité de ses titres, à réfutèr les objections vulgaires déjà tombées dans le mépris, mais où on l’eût développé dans toute sa grandeur, dans son harmonie avec les aptitudes et les besoins de l’individu et de la société. Là trouveraient leur place : une philosophie des sciences et des arts, qui nous découvrît dans le catholicisme la source de tout ce qui est vrai et de tout ce qui est beau, afin qu’à cette source chacun de nous vînt puiser suivant ses forces et sa vocation enfin une philosophie de la vie qui, sondant les problèmes de la vie humaine, expliquât à l’homme son origine, dirigeât sa marche, et lui fît envisager sa fin. Nous eussions désiré que cet enseignement fût tombé de la chaire sacerdotale, parce que sur les lèvres du prêtre se trouve une grâce qui fortifie et qui convertit. A tous la porte serait ouverte, et ceux qui errent, et ceux qui croient, confondus dans l’a même enceinte, simples auditeurs, recueilleraient en silence la parole sacrée, germe qui grandirait dans leur cœur, fécondé par la méditation. Peut-être, au milieu de ces jeunes gens réunis autour des mêmes autels, naîtrait un fraternel amour, qui les rapprocherait d’abord pt qui s’épanchant ensuite irait chercher l’indigence au dehors et lui porter secours. Alors, de toutes ces âmes rassurées par la foi ou consolées par la charité, s’élèverait un concert de louanges pour Dieu, de filiales reconnaissances pour l’Eglise, et de bénédictions pour celui qui aurait été l’auteur de tout ce bien, pour vous, Monseigneur. Nous avons l’honneur d’être, Monseigneur, de votre grandeur, les très-humbles et très-obéissants serviteurs et fils dévoués en Jésus-Christ.
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