Œuvres complètes de Lamartine (1860)/Tome 2/Le dernier chant du Pèlerinage d’Harold/Note troisième

La bibliothèque libre.
Œuvres complètes de LamartineChez l’auteur (p. 157-158).
NOTE TROISIÈME

(Page 97)


Où va-t-il ? Il gouverne au berceau du soleil.
Mais pourquoi sur son bord ce terrible appareil ?


Lord Byron avait, dit un de ses amis qui le connaissait bien, l’ambition de se faire un nom aussi grand par ses actions que celui qu’il s’était fait déjà par ses écrits. Peu de temps avant sa mort, il composa son ode belle et touchante sur le trente-sixième anniversaire de sa naissance ; ode qui prouve, d’une manière remarquable, cette nouvelle passion. Voici un des couplets :


Si tu regrettes ta jeunesse, pourquoi vivre ? Tu es sur une terre où tu peux chercher une mort glorieuse : cours aux armes, et sacrifie tes jours ! Ne réveille point la Grèce, elle est réveillée ; mais réveille-toi toi-même !


Lord Byron s’embarqua à Livourne, et arriva à Céphalonie dans les premiers jours du mois d’août 1823, accompagné de six ou sept amis, à bord du vaisseau anglais l’Hercule, capitaine Scott, qu’il avait frété exprès pour le conduire en Grèce. Il aimait à observer la nature ; il passait la plus grande partie des nuits à contempler les objets qui se présentent dans un voyage de mer ; car il savait jouir des charmes de la douce présence de la nuit. Il était bien au-dessus de l’affectation des extases poétiques ; mais on voit, dans tous ses ouvrages, combien il trouvait de délices à nourrir son imagination des beautés du monde physique. Il y a dans ses écrits plus d’images empruntées au spectacle de la mer, que dans ceux d’aucun autre poëte. Il les devait toutes à la Méditerranée, et à ses rivages éclairés par le soleil du Midi. Tandis que le vaisseau majestueux glissait à l’ombre de Stromboli, il contemplait le cours mélancolique des vagues ; et, quoique plongé dans ses rêveries ordinaires, son œil paraissait plus tranquille, et son front pâle plus doux.

C’était un point très-important de déterminer vers quelle partie de la Grèce lord Byron dirigeait sa course. Le pays était en proie à des divisions intestines ; il eût craint de donner aveuglément le poids de son nom à une faction ; il voulait s’instruire. Il se détermina à relâcher à Céphalonie ; il y fut très-bien accueilli par les autorités anglaises.

Lord Byron, après quelques jours passés à Céphalonie, sur les instances de Maurocordato et du héros Marc Botzaris, vint débarquer à Missolonghi, enflammé d’une ardeur militaire qui allait jusqu’au délire : il le dit lui-même dans une de ses lettres. Après avoir, de son argent, payé la flotte grecque, il s’occupa de former une brigade de Souliotes. Cinq cents de ces soldats, les plus braves de la Grèce, se mirent à sa solde le 1er janvier 1824 ; et il ne fut pas difficile de trouver un but digne d’eux et de leur nouveau chef…