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Œuvres d’histoire naturelle de Goethe/Terrains offrant des traces d’anciennes combustions

La bibliothèque libre.
Traduction par Charles Martins.
A. Cherbuliez et Cie (p. 402-406).

TERRAINS

OFFRANT DES TRACES D’ANCIENNES COMBUSTIONS.

(1824.)

Le 23 août 1823, je partis d’Eger pour me rendre à Pograd. Le chemin passe d’abord sur des terrains d’alluvion où l’on remarque des brèches et des cailloux roulés. Les mines de fer sont près de Pograd, au milieu de cailloux roulés dont le schiste micacé fait la base. Le premier puits a six toises de profondeur. On remarque premièrement, à la superficie, une masse argileuse, d’un blanc jaunâtre et réduite eu fragments. À une petite profondeur, on arrive sur le minerai de fer qui se trouve en rognons concentriques ; le plus grand, d’une forme ovale, pouvait avoir une aune de diamètre, et il était facile de reconnaître que le conglomérat environnant a été fortement saisi par le feu. La mine de fer est d’un brun clair ou foncé. Les ouvriers nous montrèrent une autre variété blanche qui est fort riche. Près de ce conglomérat on trouve du bois en morceaux épars, souvent englobés dans la roche, d’autres fois pétrifiés. Lorsque ces masses de bois converties en houille sont pénétrées par le fer, elles en contiennent jusqu’à 62,7 pour cent. Dans une colline, située de l’autre côté du ruisseau, ou avait trouvé, à la profondeur de quinze toises, un arbre tout entier placé horizontalement et dont les deux moitiés forment la paroi du puits. Nous traversâmes ensuite le ruisseau appelé Cédron pour arriver à la montagne des Oliviers sur laquelle on a élevé un calvaire. De ce point, la vue s’étend d’un côté vers Notre-Dame de Lorette, ancien couvent situé sur le revers opposé, et elle plonge sur les exploitations d’argile qui sont dans la plaine et servent à faire des cruchons et des ouvrages de poterie. Autrefois cette plaine formait un lac, et ses eaux, en charriant de côté et d’autre le schiste micacé en dissolution (aufgelœst), ont déposé ces couches argileuses. Jadis on y fabriquait, avec l’argile prise dans le voisinage d’Altenstein, des cruchons destinés à expédier l’eau acidule d’Eger. Maintenant en emploie l’argile dont nous parlons ; elle se trouve quelquefois à vingt pieds au-dessous de la surface du sol en couches alternativement grises et blanches. L’argile grise sert à faire des cruchons et des vases réfractaires, tandis que l’argile blanche est réservée pour les ouvrages de poterie. J’entre dans ces détails afin de signaler quelques localités intéressantes aux naturalistes qui se rendront de Franrzenbrunn à Eger, dans l’intention de visiter les traces d’anciens volcans.

En se dirigeant toujours vers le midi, on arrive à Gossl ; de ce village, un mauvais chemin conduit à travers une forêt de pins ; on atteint une hauteur couverte d’arbres résineux, et là on voit paraître les schistes argileux qui forment le point culminant du Rehberg : ils sont remarquables par des veines de quarz qui les traversent et leur donnent un aspect ondulé. Dans le fond on observe le village de Boden ; nous y descendîmes, marchant toujours sur des schistes. En suivant un petit ruisseau qui traverse le village, et se dirige vers le midi, on observe d’abord des masses très considérables de schistes argileux traversées par du quarz, enfin des masses scorifiées (Schlackenklumpen). Sur la rive droite du ruisseau, en haut du village, est un petit cône uniquement formé de scories ; à son sommet se trouve une légère dépression. Les habitants disent que c’est un regard en ruines. Les autres parties sont unies, quelques coups de pioche suffisent pour mettre à découvert des scories pleines de lacunes, mais moins bien caractérisées que celles que nous avons signalées sur les bords du ruisseau. On nous apporta des morceaux sphériques et ovoïdes ; les plus petits avaient été évidemment en fusion et laissaient apercevoir des cristaux d’amphiboles empâtés dans la roche qui leur sert de gangue. Les plus gros étaient tellement altérés par l’action volcanique, qu’il eût été impossible de déterminer la nature de la roche dont ils étaient formés.

En se dirigeant vers le nord, sur la pente du Rebberg, du côté d’Altalbenreuth, on trouve dans les plus petites fissures des traces de cristaux d’amphibole, les uns plus grands, les autres plus petits, la plupart tout-à-fait réduits en poussière. Le terrain est une prairie unie en pente douce. Près d’Altalbenreuth, on rencontre une carrière de sable creusée dans la colline : on y reconnaît un dépôt de tuf volcanique ; telles sont les observations préliminaires que nous avons faites dans l’espoir de les continuer un jour.


Liste des roches trouvées près de Boden et d’Altalbenreuth.

1. Schistes argileux traversés par des veines sinueuses de quarz.

2. Scorie parfaites provenant des bords du ruisseau près de Boden.

3. Scorie qui a dû être à l’état pâteux, prise sur l’éminence conique à l’extrémité du village.

4. Roche devenue méconnaissable par l’action du feu, à cassure récente.

5. La même, de forme sphérique.

6. Cristaux d’amphibole fortement altérés par le feu et empâtés dans la roche argileuse. Ces cristaux ont subi l’action d’une chaleur telle, qu’ils présentent à l’intérieur de petits trous semblables à ceux que les vers font dans le bois.

7. Un morceau du tuf volcanique remanié par les eaux (zusammengeschemmt), d’Altalbenreuth.

Résumons maintenant tout ce que nous avons dit sur le Wolfsberg près Czerlochin, sur la base du Rehberg, et les observations faites près de Boden et d’Altalbenreuth, pour les mettre en regard avec la description que nous avons donnée du Kammerberg près d’Eger : nous trouverons des phénomènes concordants, d’autres, au contraire, qui semblent être peu en harmonie les uns avec les autres. Toutes les roches volcaniques reposent immédiatement sur les schistes micacés, ou leur sont contiguës, quelle que soit la nature du terrain environnant. Sur le Wolfsberg nous avons dû considérer comme archétypiques le schiste argileux, le basalte et une roche primitive très riche en cristaux d’amphibole. Quant aux produits pyrotypiques nous avons fait voir que les cristaux d’amphibole sont attaqués par le feu, mais en réalité peu altérés ; ceux de pyroxène, au contraire, nullement modifiés. Le Rehberg est formé de schistes argileux très riches en quarz, et qui se distinguent de ceux du district de Pilsen par leur apparence ondulée. Nous trouvons l’amphibole en morceaux épars, fondus, mais nous ne pouvons pas reconnaître la roche primitive, pas plus que celle du numéro 4, qui doit se trouver à une grande profondeur.

En remémorant ce que nous avons observé au Kammerberg, nous proposerons une explication différente de celle que nous avons donnée précédemment ; la roche archétypique est représentée par les rochers basaltiques que nous avons décrits ; nous admettons ensuite que des schistes argileux et de la houille à l’état de mélange ont été amassés autour d’eux. Ce conglomérat s’est enflammé et a conservé, après avoir été réduit en scorie, sa stratification primitive. Le feu a attaqué les rochers basaltiques et a fortement altéré leur partie supérieure, tandis que l’inférieure est restée à l’état archétypique. Cette hypothèse, quelle que soit l’opinion qu’on admette, peut s’appliquer également aux trois localités dont nous venons de parler, sauf les différences qui proviennent de ce que, dans chacune d’elles, la roche altérée par le feu était d’une nature différente. Si l’on ajoute à cela que ces produits, dont on ne peut nier l’origine volcanique, se trouvent en Bohême sur un dépôt de houille ou de lignite, il sera difficile de ne pas considérer ces phénomènes comme pseudo-volcaniques. Je n’insisterai pas davantage pour le moment sur ce sujet qui laisse encore bien des questions à résoudre.