Œuvres de Albert Glatigny/Galanterie

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Œuvres de Albert GlatignyAlphonse Lemerre, éditeur (p. 100-101).



Galanterie.



Oh ! ne les cachez pas ces yeux purs et charmants !
N’avez-vous pas vos cils ? relevez votre voile :
Quand on est riche, il faut montrer ses diamants.

Qu’ils soient à votre front comme une double étoile. —
N’imitez pas les gens qui, sur les meubles chers,
Mettent avec prudence une housse de toile.

À quoi bon amoindrir leurs feux vifs et si clairs ?
Madame, laissez-les rayonner à leur aise,
Ces beaux soleils captifs dans la neige des chairs.

Pour l’heureux qui vous a, je conçois qu’il vous plaise
De voiler votre sein, et sur votre cou rond
De jeter un fichu bien léger qui lui pèse.



Ces trésors, des regards élus en jouiront. —
Tendre pudiquement, leur beauté diaphane
Redoute le grand jour à l’égal d’un affront.

Ils sont faits pour un seul ; — tout autre les profane
Qui ne doit pas franchir le seuil mystérieux
Que l’Amour souriant jusqu’au matin condamne.

Cachez-nous votre épaule et vos seins : c’est au mieux ;
Et nous jalouserons votre amant, sans rancune, —
Ainsi qu’il est permis de jalouser les dieux !

Mais aussi vous pouvez, sans imprudence aucune,
Nous laisser voir ce qui ne se dérobe pas,
Vos yeux d’un si bel air sous votre tresse brune.

Du paradis trop clos interdit à nos pas,
C’est tout ce qui nous vient. Conservez-nous, madame,
Les astres qu’à sa voûte on voit briller d’en bas,

Nous nous pourrons au moins réchauffer à leur flamme !



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