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Œuvres diverses en prose (Corneille)/Notice

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Œuvres diverses en prose (Corneille)
Œuvres de P. Corneille, Texte établi par Charles Marty-LaveauxHachettetome X (p. 391-395).


Notice.


Dans l’édition de Lefèvre, les Œuvres diverses en prose sont beaucoup plus volumineuses que dans la nôtre ; mais cela tient à ce qu’on y a introduit un grand nombre de morceaux qui nous ont paru avoir une place plus naturelle ailleurs. On y trouve les trois Discours sur le théâtre, que nous avons, à l’exemple de Corneille, joints à ses œuvres dramatiques, et qui sont placés avant sa première pièce (tome I, p. 13-122) ; les avis au Lecteur des diverses éditions du théâtre, que nous avons réunis au commencement du tome I ; les préfaces partielles des publications successives de l’Imitation, que nous avons, en les complétant, rassemblées en tête de cet ouvrage (voyez tome VIII, p. 8-28) ; les lettres, dont nous avons fait un groupe à part, fort augmenté, qui forme aujourd’hui pour la première fois une correspondance suivie de Corneille et des personnes avec lesquelles il s’est trouvé en rapport ; enfin un extrait de l’Histoire de l’Académie française de Pellisson, contenant des fragments de lettres de Corneille que nous avons détachés de cette histoire pour les mettre à leur date et à leur rang dans la série générale de la correspondance de notre poëte.

Ces morceaux écartés, il ne reste plus dans les Œuvres diverses en prose que le Discours à l’Académie et la Réponse de Corneille aux Observations de Scudéry sur le Cid.

Nous y joignons l’Épitaphe latine de dom Jean Goulu, général des Feuillants[1], découverte par nous, ainsi que nous l’indiquions dans notre Avertissement (tome I, p. xi).

Nous avons, suivant notre usage, rangé ces trois morceaux dans l’ordre chronologique ; nous allons dire un mot de chacun d’eux.

À la page xiii du tome I des Œuvres complètes de P. Corneille, dont deux volumes ont paru en 1857, dans la Bibliothèque elzévirienne, chez le libraire P. Jannet, M. Taschereau s’exprime ainsi : « Le Trésor chronologique et historique par le R. P. dom Pierre de Saint-Romuald, dans sa troisième partie, publiée en 1647, nous fournit, aux pages 899-900, le renseignement que voici : « Achevons cette année (1629) par l’achévement de la vie des deux plus grands ornements de notre congrégation, je veux dire de dom Jean de Saint-François, premier assistant de notre Père général, et de dom Sens de Sainte-Catherine, premier visiteur. Celui-là naquit à Paris l’an 1576, le 25 août, fête de saint Louis. Son père s’appeloit Nicolas Goulu, et étoit professeur du Roi en langue grecque ; et sa mère se nommoit Magdelaine Daurat, et étoit fille de feu M. Daurat, poëte, et aussi professeur du Roi en la même langue, de qui Ronsard se vante d’avoir été le nourrisson… Il (Jean Goulu) repose à Paris dans le chœur de notre monastère de Saint-Bernard[2], sous une tombe de marbre noir que la bénéficence de M. et de Mme de Vendôme lui ont fait faire, et où se voit un bel épitaphe[3] en prose latine du style du sieur Corneille. »

À ce témoignage contemporain, si curieux, recueilli par M. Taschereau au sujet de cette épitaphe, nous pouvons en ajouter un autre, qui nous est transmis par Goujet. On lit dans sa Bibliothèque françoise (tome XVII, p. 163) : « On voit par les lettres manuscrites de Chapelain que M. Corneille avoit fait en latin l’épitaphe du R. P. dom Jean Goulu, religieux feuillant, mort en 1620, qu’il en fit confidence à Chapelain, son ami, et que Balzac, qui en ignoroit l’auteur, fit des vers contre cette épitaphe. Je ne sais pas si c’est celle qu’on lit aux Feuillants et que M. Piganiol de la Force a fait imprimer dans sa Description de Paris[4]. Chapelain conseille à M. Corneille de ne point se plaindre des vers de Balzac, de peur de rompre avec lui une amitié dont l’un et l’autre se faisoient honneur. »

Nous aurions vivement souhaité de pouvoir vérifier dans le manuscrit même de Chapelain les faits indiqués ici ; mais une note marginale nous apprend que les lettres dont il s’agit sont du 20 juillet et du 25 août 1642, et par malheur la précieuse copie autographe de cette correspondance que possède M. Sainte-Beuve, et qu’il communique si libéralement aux travailleurs, est incomplète, comme l’a dit M. Taschereau[5], et le volume qui manque est précisément celui qui contient les années 1641 à 1658.

Le passage de Goujet que nous venons de rapporter indique où l’on peut rencontrer le texte de Corneille qui a échappé à M. Taschereau ; il est vrai que Goujet ne parait pas certain que l’épitaphe reproduite par Piganiol de la Force soit celle dont Corneille est l’auteur, mais on ne voit point sur quoi peut être fondé ce doute. Millin ne l’a pas un instant partagé, et dans ses Antiquités[6] il attribue sans hésiter cette épitaphe à Corneille. Elle se trouvait sur une tombe de marbre noir, placée dans le chœur des religieux des Feuillants de la rue Saint-Honoré. On ne sait aujourd’hui ce qu’a pu devenir ce marbre tumulaire ; quant aux restes du P. Goulu, ils sont déposés aux catacombes dans l’ossuaire de la paroisse Saint-Sauveur[7].

M. Taschereau s’était posé une question à laquelle, réduit aux éléments dont il disposait, il lui était difficile de répondre avec quelque sûreté. « Le monument, dit-il, fut-il élevé immédiatement après cette mort (de Goulu) et alors que Corneille n’avait fait que Mélite, ou bien monument et épitaphe sont-ils d’une date un peu postérieure et du temps où Corneille avait acquis un plus grand renom ? Nous penchons de ce dernier côté. » L’extrait des lettres de Chapelain que nous avons mentionné semble confirmer l’hypothèse de M. Taschereau, et tout porte à croire que ce ne fut guère avant l’année 1642, dont ces lettres sont datées, que Corneille composa l’épitaphe qui nous occupe. Nous en publions le texte d’après une brochure de 12 pages in-folio, intitulée : Epitaphium in æde san-benedictina Parisiis appendendum, Nicolaus Gulonius, mortalitatis maiorumque memor, piis illorum Manibus designabat, anno CIƆDCL. Ce recueil se compose des épitaphes de neuf membres de la famille de Nicolas Goulu, suivies de la sienne ; on y trouve aussi un Éloge de Jean Goulu et un Avis (monitum) sur ses ouvrages. L’exemplaire de ce recueil que possède la Bibliothèque impériale porte sur le titre la mention manuscrite suivante : auctore Goulu Hieronymi F. Nicolai nepote. Il est bien probable toutefois que la part de Nicolas et de Jérôme Goulu dans ce travail n’a pas été bien considérable, qu’ils n’ont guère fait que mettre en ordre, compléter et annoter les éloges et les épitaphes des divers membres de leur famille, mais qu’ils se seraient bien gardés de substituer un travail de leur façon à une inscription faite par Corneille sur l’ordre du duc et de la duchesse de Vendôme. Si nous avons préféré ce texte à ceux de Piganiol de la Force et de Millin, c’est parce qu’il a un caractère plus officiel, qu’il est évidemment plus correct, que la disposition en est meilleure, et qu’il est accompagné d’éclaircissements précieux et certains.

Nous avons revu le texte de la Lettre apologétique du sieur Corneille, au sujet du Cid, sur les deux éditions de 1637, et nous avons rendu à cette pièce son véritable intitulé, auquel, comme nous l’avons dit, les éditeurs modernes ont substitué arbitrairement celui de Lettre contenant la réponse de Corneille, etc.

Enfin nous donnons aussi le Discours à l’Académie, avec son titre complet, tel qu’il a été publié chez Jean-Baptiste Coignard, dans le Recueil des harangues prononcées par Messieurs de l’Academie françoise, dans leurs receptions, et en d’autres occasions differentes, depuis l’establissement de l’Academie jusqu’à present, pour la première fois en 1698, dans le format in-4o (p. 11-13), et pour la seconde en 1714, dans le format in-12. La révision que nous en avons faite nous a permis de faire disparaître quelques rajeunissements de l’abbé Granet, que nous signalons en note, et que les éditeurs qui lui ont succédé n’avaient pas manqué de reproduire.


  1. La congrégation des Feuillants était une branche de l’ordre de Cîteaux.
  2. Dans l’Éloge du P. Goulu (en latin Gulonius), publié en 1629 (in-4o), et réimprimé dans la Bibliotheca scriptorum sacri ordinis cisterciensis, opere et studio R. D. Caroli de Visch, Cologne, 1656, on lit ce qui suit : « Corpus defuncti in odeo B. Bernardi ad portam Honorianam suburbanæ ædis conditum est, Epiphaniorum die solemni. »
  3. Voyez tome IV, p. 15, note 1 ; et p. 310, vers 381.
  4. Tome II, p. 379 et 380.
  5. Histoire de la vie et des ouvrages de Corneille, seconde édition, p. vii.
  6. Tome I, § v, p. 40-43.
  7. Voyez les Catacombes de Paris, 1862, p. 119.