1914-1916/Le Blessé
Apparence
1914-1916 : poésies
Mercure de France, (p. 47-48).
LE BLESSÉ
À Mme Michaud-Lapeyre.
« Je te donne ma vie et le sang de ma veine,
La force de mes mains et l’éclair de mes yeux ;
De tout cela fais-en une farouche haine
Et conduis ma colère à des combats joyeux ;
« Que ta voix héroïque à son appel m’entraîne
Vers la balle sournoise et l’obus monstrueux,
Et que mon bras défende à la horde germaine
Les foyers de la race et le sol des aïeux.
« Déesse de la Guerre aux armes éclatantes,
J’offre à ton dur baiser mes blessures sanglantes ;
Serre-moi longuement sur tes seins cuirassés !
« Prends mon corps douloureux et prends ma chair meurtrie
Mais, de mon sang, au moins, laisse-moi juste assez
Pour que batte en mon cœur l’amour de la Patrie. »
8 février 1915.