Abrégé de l’histoire générale des voyages/Tome IV/Première partie/Livre VI/Chapitre IV

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CHAPITRE IV.

Histoire naturelle du cap de Bonne-Espérance.

Les Européens du Cap divisent l’année en deux saisons, l’hiver et l’été. Ils nomment le premier mousson humide, et l’autre mousson sèche. Celle-ci commence au mois de septembre, c’est-à-dire à la fin de notre été, et la première au mois de mars, avec notre printemps. Dans la saison de l’hiver, le Cap est sujet aux brouillards. Cependant le soleil se fait voir par intervalles, excepté pendant les mois de juin et de juillet, où les pluies sont continuelles. L’air, dans cette saison, est froid, rude et fort désagréable, mais jamais plus qu’en Allemagne pendant l’automne. Jamais l’eau ne gèle à plus de trois lignes d’épaisseur, et la glace se dissipe aux premiers rayons du soleil. Le tonnerre et les éclairs sont très-rares au Cap, excepté vers le changement des saisons, aux mois de mars et de septembre ; encore n’y sont-ils jamais violens ni dangereux.

Les eaux qui tombent avec rapidité du sommet des montagnes, coulant ensuite dans des canaux ombragés d’arbres ou de buissons, sont si froides, qu’elles conservent cette qualité dans les vases où elles sont renfermées, jusqu’à causer un véritable frisson à ceux qui en boivent. On trouve aussi des sources d’eaux chaudes, et d’autres qui sont même brûlantes : de ce nombre sont deux bains célèbres à trente milles du Cap : les eaux ont la clarté du cristal. Kolbe n’en avait jamais goûté de si ferrugineuses ; mais elles n’en sont pas moins agréables. On peut les employer à toutes sortes d’usages, excepté à blanchir le linge, parce qu’elles lui donnent une teinte jaune qu’il ne perd jamais. En entrant dans le bain, on ressent une chaleur presque insupportable, surtout si l’on y entre par degrés ; mais elle cesse bientôt d’être incommode, et l’on se trouve dans une situation délicieuse : cependant on est obligé d’en sortir au bout de cinq ou six minutes, parce qu’elle resserre la partie inférieure du ventre jusqu’à faire perdre haleine. On est rétabli sur-le-champ en se mettant au lit, où l’on éprouve d’abord une sueur abondante, près laquelle on se lève avec une légèreté dont on est surpris. Quinze jours de ce bain, pris une fois le jour, purifient le corps de toutes sortes d’humeurs peccantes par les sueurs et les selles, et quelquefois par des vomissemens. Kolbe a connu plusieurs personnes qui lui devaient leur guérison ; l’une, d’une paralysie de bras ; l’autre, de la surdité ; une femme, de plusieurs autres maladies compliquées.

Enfin Kolbe est persuadé que les eaux du Cap sont aussi claires, aussi douces et aussi saines, qu’il y en ait au monde. Les médecins, ou plutôt les chirurgiens du Cap les ont trouvées salutaires dans toutes sortes de cas. Elles conservent leur douceur et leur clarté sur mer, dans les plus longs voyages. Sur le bâtiment où Kolbe s’embarqua pour revenir en Europe, elles ne souffrirent aucune altération, excepté un léger changement sous la ligne, mais qui ne les empêcha point de se rétablir presque aussitôt.

Quoique les Hottentots ne fassent aucun usage du sel, la nature leur en fournit abondamment sans le secours de l’art : ils n’en ont l’obligation qu’à l’action du soleil sur l’eau de pluie.

En général, le terroir est riche et fertile aux environs du Cap. On commence à semer au mois de juillet, pour faire la moisson vers la fin de septembre.

Les vignes qui ont été apportées au Cap sont venues de Perse, de Madère, du midi de la France et des bords du Rhin. Il se passa quelque temps avant qu’on pût en élever assez pour former des vignobles ; mais ils y sont maintenant en si grand nombre, que chaque cabane a le sien. Les vignes souffrent beaucoup des sauterelles et des vers ; cependant elles rendent plus dès la troisième année que celles d’Europe à la cinquième. La vendange commence au mois de février, et continue pendant tout le cours de mars. Le vin du Cap est agréable et fort : avec le temps il devient moelleux. Celui que l’on récolte à Constance, vignoble situé au sud de la ville du Cap, est un des plus délicieux que l’on connaisse.

Les jardins du Cap produisent la plupart des plantes et des fruits de l’Europe ; les légumes y surpassent les nôtres par la grosseur et le goût. Un chou y pèse entre trente et quarante livres ; une patate entre six et dix livres : les melons y sont excellens ; tous les arbres fruitiers y prospèrent universellement par la méthode ordinaire de les semer ou de les planter. Le beau jardin de la compagnie, près de la ville du Cap, offre des oranges, des limons, des citrons, des amandes, des figues, des grenades, avec un nombre infini d’autres fruits apportés de l’Asie ou de l’Amérique, qui sont beaucoup meilleurs que dans leur pays originaire. Les figues sont délicieuses au Cap, de même que les bananes, qui viennent de l’île de Java. La beauté des fruits, jointe à la profusion des fleurs naturelles qui ornent les jardins, forme des perspectives admirables : l’aloès, qu’il est si rare de voir en Europe dans toute sa beauté, porte ses fleurs en plein champ sans le secours de l’art.

Le dacka est une autre plante fort estimée des Hottentots, qui s’en servent au lieu de tabac, lorsqu’ils ne peuvent se procurer celui-ci, ou qui les mêlent ensemble, lorsque leur provision de tabac est près de s’épuiser : c’est une espèce de chanvre sauvage que les Européens sèment, mais principalement pour l’usage des Hottentots. Le dacka, mêlé avec le tabac, s’appelle buspetz. La spirée est encore une plante dont les Hottentots font beaucoup de cas. Vers la fin de l’hiver, lorsque les feuilles commencent à se flétrir, ils en amassent de grosses provisions, qu’ils font sécher pour les mettre en poudre. Sa couleur est un jaune luisant ; elle leur sert à poudrer leur chevelure : ils l’appellent boukkou, et la regardent comme une partie considérable de leur parure.

L’arbre qui produit la cannelle est venu de Ceylan au Cap, et répond fort bien aux espérances de ceux qui l’ont apporté.

À l’égard de bêtes sauvages, peut-être n’y a-t-il point de pays au monde où l’on en trouve un si grand nombre. Les éléphans y tiennent le premier rang ; ils y sont beaucoup plus gros que dans aucune autre contrée ; mais la femelle est moins grosse que le mâle : un seul exemple fera juger de la force de ces animaux. Les Hollandais, pour en faire l’essai, attelèrent un éléphant à la proue d’un vaisseau considérable ; il le tira le long du rivage. Les Hottentots font usage de la fiente de ces animaux, lorsqu’ils manquent de tabac, et Kolbe assure qu’elle a presque le même goût.

Le rhinocéros a deux cornes placées l’une devant l’autre sur son museau. Sa peau n’offre pas de plis comme celle du rhinocéros d’Afrique. Quoiqu’elle soit fort dure, elle n’est pas à l’épreuve des zagaies. Il a l’odorat extrêmement subtil : avec le vent, il sent de fort loin toutes sortes d’animaux, et marche vers eux en ligne droite, en renversant tout sur son passage. S’il n’est point irrité par quelque offense, il n’attaque jamais les hommes, à moins qu’ils ne soient malheureusement en habit rouge, car alors il s’élance avec fureur sur eux ; et s’il en saisit un, il le jette par-dessus sa tête avec tant de violence, que la chute est mortelle. Ses yeux sont fort petits pour sa taille, et ne lui servent à voir que devant lui ; aussi la méthode la plus sûre pour l’éviter, lorsqu’on est à neuf ou à dix pas de lui, c’est de sauter un peu de côté. Quoique sa course soit fort légère, il est si lent à se tourner, qu’il lui en coûte beaucoup pour se mettre en état de voir son ennemi. Il mange peu d’herbe : il préfère les branches, les arbrisseaux, les chardons même, et surtout une sorte d’arbuste qui ressemble au genièvre. Il est mortel ennemi de l’éléphant ; quand il combat contre lui, il tâche de l’éventrer avec ses cornes. Kolbe mangea souvent avec plaisir de la chair de rhinocéros.

Les chiens sauvages sont communs au Cap. Ils s’assemblent en troupes nombreuses, et ne quittent un canton qu’après l’avoir nettoyé de bêtes féroces, et d’autres animaux : ils portent leurs petits dans un lieu qui leur sert de rendez-vous : les Européens et les Hottentots les suivent, et prennent ce qui leur convient dans le tas, sans que ces animaux carnassiers en grondent. Les Hottentots mangent ce qu’ils ont pris, et les Européens le salent pour leurs esclaves.

On voit souvent des lions dans le pays du Cap. Le lion donne toujours à sa proie un coup mortel, accompagné d’un horrible rugissement, avant d’employer ses dents à la déchirer. Une sentinelle fut enlevée par un lion. Dans une autre année (1707), un lion tua un fort gros bœuf, et l’emporta par-dessus une haute muraille.

On sait assez que, lorsqu’un lion secoue sa crinière, et qu’il se bat les flancs de sa queue, c’est une marque certaine qu’il est en colère ou pressé de la faim. Dans cet état, sa rencontre annonce la mort ; mais elle est sans danger dans toute autre occasion. Un cheval qui aperçoit un lion s’enfuit de toute sa force, et jette, s’il le peut, son cavalier par terre, pour rendre sa course plus aisée. Le plus sûr pour un homme est de mettre pied à terre, parce que le lion ne s’attachera qu’à poursuivre le cheval.

Deux Européens étant un jour à se promener dans un champ voisin du Cap, virent sortir de quelques broussailles un lion qui s’élança sur eux, mais qui manqua son coup par l’agilité de celui qu’il attaqua. Ce brave Hollandais le saisit par la crinière, et, lui enfonçant le poing dans le gosier, lui prit la langue, qu’il eut la force de tenir, malgré toutes ses secousses, tandis que son compagnon, qui était armé d’un fusil, tua le monstre d’un seul coup.

Un officier hollandais, campé avec son corps de troupes, jugea pendant la nuit, au mouvement extraordinaire des chevaux, que son camp était menacé de quelque bête féroce. Toutes les sentinelles furent averties de se tenir sur leurs gardes. Il y en eut une qui ne répondit point. On fit avancer aussitôt un gros de soldats qui, trouvant un mousquet à terre, continuèrent de marcher vers quelques rochers voisins, où ils découvrirent un lion monstrueux qui faisait sa curée de leur compagnon. Tout le camp prit l’alarme et sortit pour l’attaquer ; mais le monstre était si bien défendu dans le creux d’un rocher, que trois cents coups de fusil ne purent ni le blesser ni lui causer d’effroi. Le jour suivant, les


Hollandais furent joints par un parti de Hottentots qui le tuèrent bientôt avec leurs zagaies.

On voit aussi dans les pays des Hottentots, le léopard, le chat-tigre ou serval du Cap, l’hyène tachetée, le surikate, la taupe dorée, les rats-taupes ; le ratel, la gerboise de Cap, le daman, le porc-épic, le rat nain, le sanglier d’Éthiopie, l’hippopotame, la girafe, le zèbre, le couagga, le buffle, diverses espèces d’antilopes et de singes, enfin l’oryctérope.

Le surikate ressemble à la mangouste : la couleur de son poil offre un mélange de brun, de noir, de jaunâtre et de blanc ; sa longueur est d’un pied. C’est un joli animal, très-vif et très-adroit ; ses pates de devant lui servent, comme à l’écureuil, pour porter sa nourriture à sa gueule. Il cherche les serpens et les oiseaux ; il est très-friand d’œufs. Son urine a une odeur très-forte. Les Hottentots le nomment zenik.

Les Hollandais ont donné le nom de stinkende-daas, ou blaireau puant, au ratel. Cet animal a plus de quatre pieds de long jusqu’à l’extrémité de la queue ; ses pieds sont armés d’ongles crochus ; son poil est en général de couleur noire, mêlée de cendré dans quelques parties ; une raie d’un gris plus clair, presque blanchâtre et large d’un pouce, s’étend depuis ses oreilles jusqu’à l’extrémité de sa queue. Cet animal, très-friand de miel et de cire, a une manière particulière de découvrir les retraites des abeilles et de les y attaquer. Celles-ci construisent leurs ruches dans des trous creusés par divers animaux, tels que les damans, les gerboises, les porcs-épics, les taupes, qui les ont ensuite abandonnés. Le ratel s’assied, dit-on, sur son derrière, tenant une de ses pates devant ses yeux pour rompre les rayons trop vifs du soleil, qui lui blesseraient la vue, et pouvoir distinguer plus clairement l’objet qu’il cherche ; car c’est surtout au déclin du jour qu’il épie sa proie. Lorsqu’il voit voler quelques abeilles, il sait qu’alors elles gagnent droit leur demeure ; il les suit. Ses longues griffes, dont il fait usage pour se loger sous terre, lui servent à miner en dessous les ouvrages des abeilles. On prétend aussi qu’il a la sagacité, de même que les Hottentots et les Cafres, de suivre l’oiseau nommé indicateur, qui conduit les personnes qui vont à sa piste aux nids des abeilles, posés dans le creux des arbres. Ces nids sont hors des atteintes du ratel qui, de dépit de voir ses recherches et sa découverte inutiles, a coutume de mordiller le pied de l’arbre. Ces morsures, sont pour les Hottentots un signe certain que l’arbre renferme un nid d’abeilles. La peau du ratel est très-épaisse et d’un tissu fort lâche ; c’est pourquoi il est insensible à la piqûre des abeilles. Cet animal, étant pourvu de dents très-fortes et très-tranchantes, se défend très-bien contre une meute entière de chiens, et se tire souvent même d’un semblable assaut sans avoir reçu un seul coup de dent.

La gerboise du Cap a reçu des Hollandais le nom de sprengende-haas ou lièvre sauteur. Cet animal, décrit par Buffon sous la dénomination de grand-gerbo, est de la taille d’un lièvre. Ses pieds de derrière sont trois fois plus longs que ceux de devant. Il vit dans les montagnes et s’y creuse des terriers, où il reste caché pendant le jour, et dont il ne sort que le soir pour aller pendant la nuit rôder et chercher sa nourriture, qui consiste en racines et en grains.

Le daman, appelé par les Hollandais klipdaas ou blaireau de rocher, est de la taille d’un lapin, mais plus gros et plus ramassé. Il fait son nid dans les fentes des rochers, où il se compose un lit de mousse et de feuilles qui lui servent de nourriture. Cet animal s’apprivoise aisément. On assure que sa chair est bonne à manger.

On distingue deux espèces de rats-taupes, le grand et le petit. Le premier est long d’un pied, le second de sept pouces. Leur corps est cylindrique ; ils ont les pates très-courtes, le poil doux, épais, d’un brun roussâtre sur le dos, blanc par-dessous, les yeux très-petits. Ils sont très-multipliés dans les terres sablonneuses ; ils forment de vastes taupinières, ce qui rend dangereux pour les chevaux les lieux où ils sont communs, parce que ces animaux y enfoncent jusqu’aux genoux. Les rats-taupes ne courent pas vite, mais sont très-alertes à creuser la terre ; ils mordent très-fort quand on les irrite. Ils se nourrissent principalement de racines de glaïeul, d’iris, etc. Leur chair est dit-on, fort bonne.

La taupe dorée n’a que quatre pouces et demi de longueur ; tout son corps est couvert de poils, dont la base est brune et l’extrémité d’un vert brillant, qui produit de beaux reflets métalliques lorsque l’animal se remue. Ses yeux sont si petits, qu’on ne peut les apercevoir.

Le rat nain se trouve dans les forêts. Sa couleur est d’un brun cendre clair ; il n’a que deux pouces de longueur.

Le sanglier d’Éthiopie a une physionomie singulière, mais hideuse ; sa hure, au lieu de se terminer en pointe comme celle du sanglier d’Europe, est au contraire fort large, aplatie, et coupée carrément en boutoir : ses petits yeux sont placés à fleur de tête, et presque au haut de son front carré. Ses oreilles, appliquées contre le cou qui est très-court, sont cachées dans les poils ; mais une peau cartilagineuse et fort épaisse, de trois pouces en longueur et en largeur, s’élève de chaque côté sur ses joues, comme une seconde paire d’oreilles, et contribue à rendre son aspect effrayant. Au-dessous de ces excroissances singulières est une protubérance osseuse longue d’un pouce, qui sert à l’animal pour frapper de droite et de gauche : il est armé en outre de quatre longues défenses dont les deux supérieures ont jusqu’à sept à huit pouces de long ; elles sont crénelées et se recourbent en haut tout en sortant des lèvres ; les défenses d’en bas, beaucoup plus petites, s’appliquent si exactement contre les grandes, quand la bouche est fermée, qu’elles ne paraissent former qu’une seule dent. Une énorme crinière couvre le cou et les épaules ; les soies qui la composent ont jusqu’à seize pouces de hauteur, et elles sont rousses, brunes et grisâtres. Dans le reste, cet animal ressemble au sanglier d’Europe. Quoique très-massif, il n’en est pas moins agile ; il court avec beaucoup de légèreté, et la forme de son groin ne l’empêche pas de fouir très-lestement la terre pour en tirer les racines dont il se nourrit. Sa férocité égale sa laideur, et la force de ses armes le rend très-dangereux.

La girafe est un grand animal qui a jusqu’à dix-huit pieds de haut. Son cou et ses jambes sont fort élevées, celles de devant surtout ; ce qui le fait paraître disproportionné parce qu’il a la partie antérieure du dos plus haute que la croupe. Ses cornes ne tombent pas, et sont toujours revêtues de la peau, dont les poils y sont même plus longs qu’ailleurs. La girafe est blanchâtre, tout son corps est parsemé de taches fauves. Elle se nourrit de feuilles d’arbres, et est d’un naturel très-doux.

Le zèbre, ou âne sauvage du Cap, est un des animaux les plus beaux, les mieux faits, et les plus vifs qu’on ait jamais vus. Il est, en général, plus petit que le cheval, et plus grand que l’âne ; ses jambes sont menues et bien proportionnées ; son poil est doux et lisse. On voit régner au long de son dos, depuis les crins du cou jusqu’à la queue, une raie noire, d’où partent de chaque côté d’autres raies blanches et brunes, qui se rencontrent en cercle autour du ventre, et dont les couleurs se perdent agréablement l’une dans l’autre. La tête, les oreilles, la queue et les crins du cou sont rayés aussi de mêmes couleurs. Cet animal est si léger, qu’il n’y a point de cheval qui puisse le suivre du même pas. Toutes ces qualités, jointes à la difficulté de le prendre, en font monter le prix fort haut. Tellez, voyageur portugais, raconte que le grand-mogol en acheta un deux mille ducats. On lit dans Navendorf, auteur hollandais, que, le gouverneur de Batavia en ayant envoyé un à l’empereur du Japon, après l’avoir reçu d’un ambassadeur abyssin, ce monarque fit présent à la compagnie de mille taëls d’argent et de trente-neuf robes qui furent évaluées à cent soixante mille écus. Kolbe rencontra souvent des troupes de ces zèbres dans les pays du Cap. Cet animal se trouve aussi au Congo et dans d’autres régions de l’Afrique. Le couagga est beaucoup plus petit que le zèbre, auquel il ressemble d’ailleurs, quoiqu’il n’ait de raies que sur le cou et à la partie antérieure du corps ; le fond de son poil est brun. Ces deux espèces d’animaux marchent en troupes, quelquefois au nombre de plus de cent. Le zèbre est presque indomptable, au lieu que les colons du Cap attellent les couaggas à leurs voitures.

Parmi les antilopes on remarque le canna, auquel sa grande taille a fait donner le nom d’élan, et le gnou, qui est d’un naturel extrêmement saunage, aussi farouche et aussi méchant que le buffle.

Les singes sont en fort grand nombre, et aussi malicieux que ceux que l’on a décrits en parlant des autres parties de l’Afrique. On les voit souvent descendre des montagnes pour venir piller les jardins. Ils ne dédaignent pas la chair, les œufs, les poissons, les insectes, et s’apprivoisent difficilement.

On peut ranger l’oryctérope parmi les animaux les plus singuliers de cette contrée. Au premier coup d’œil, il présente quelque ressemblance avec le cochon ; mais sa queue est d’un tiers plus longue que son corps, et, fort grosse dès son origine, elle va en diminuant jusqu’à son extrémité : ses jambes sont très-grosses, ses pieds armés d’ongles forts ; sa langue a jusqu’à seize pouces de long. « Lorsqu’il a faim, dit Kolbe, qui le décrit sous le nom de cochon de terre, il va chercher une fourmilière. Dès qu’il a fait cette bonne trouvaille, il regarde tout autour de lui, pour voir si tout est tranquille, et s’il n’y a point de danger ; il ne mange jamais sans avoir pris cette précaution : alors il se couche, et, plaçant son groin tout près de la fourmilière, il tire la langue tant qu’il peut : les fourmis montent dessus en foule : dès qu’elle en est bien couverte, il la retire et les gobe toutes. Ce jeu recommence jusqu’à ce qu’il soit rassasié. » Il attaque aussi les retraites souterraines des termés, dont il brise les voûtes avec ses grands ongles ; il s’en sert aussi pour se creuser un terrier ; il y travaille avec beaucoup de vivacité et de promptitude ; et s’il a seulement la tête et les pieds de devant dans la terre, il s’y cramponne tellement, au rapport de Kolbe, que l’homme le plus robuste ne saurait l’en arracher.

Le climat et le terroir du Cap produisent un grand nombre de serpens de quantité d’espèces différentes, dont la description n’aurait rien d’utile ni d’amusant.

Les serpens ont pour ennemi dans ce pays le secrétaire, oiseau de trois pieds de hauteur, qui a le bec robuste comme celui d’un aigle, et de longues jambes comme celles des grues. Lorsqu’il rencontre ou découvre un serpent, il l’attaque d’abord à coups d’ailes pour le fatiguer ; il le saisit ensuite par la queue, l’enlève à une grande hauteur en l’air, et le laisse retomber, ce qu’il répète jusqu’à ce que le serpent soit mort. Lorsqu’on l’inquiète, il fait entendre un croassement sourd. Il n’est ni dangereux ni méchant ; son naturel est doux ; il s’apprivoise aisément, devient familier et paraît aimer la paix ; car s’il voit quelque combat parmi les animaux de basse-cour, il accourt aussitôt pour les séparer. Aussi les habitans du cap de Bonne-Espérance en élèvent-ils parmi leur volaille pour maintenir la paix et détruire les lézards, les serpens, les rats, les sauterelles et toutes sortes d’insectes. Comme il marche ordinairement à grands pas de côté et d’autre, et long-temps sans se ralentir ou sarrêter, on lui a aussi donné le nom de messager. Les Hollandais du Cap l’ont appelé secrétaire, à cause d’une touffe de plumes qu’il porte derrière la tête, parce qu’en Hollande les gens de cabinet, quand ils sont interrompus dans leurs écritures, passent leur plume dans leur perruque derrière l’oreille droite, ce qui a quelque ressemblance avec la huppe de l’oiseau.

Les fourmis sont en fort grand nombre et de plusieurs espèces. Elles couvrent toutes les vallées de leurs nids ou de leurs terriers ; mais elles ne se logent jamais dans les terres cultivées. Les abeilles ne manquent point au Cap. Cependant, comme les Européens reçoivent à bon marché des Hottentots le miel de rocher, qui est d’une odeur plus douce que celui des ruches, ils aiment mieux en tirer d’eux que de le devoir à leur travail.

On a déjà vu que les Hottentots découvraient par le moyen de l’indicateur les nids d’abeilles posés sur les arbres. Cet oiseau habite les forêts : il est de la grosseur d’un merle, et d'une couleur olive foncée. Il éprouve sans doute quelque difficulté à se procurer le miel dont il est très-friand ; mais il a l’instinct d’appeler l’homme à son secours, en lui indiquant le nid des abeilles par un cri fort aigu chirs, chirs, et, selon d’autres voyageurs, vicki, vicki, mot qui, dans la langue hottentote, signifie miel. Il fait entendre ce cri le matin et le soir, et semble appeler les personnes qui sont à la recherche du miel : celles-ci lui répondent d’un ton plus grave, en s’approchant toujours. Dès qu’il les aperçoit, il va planer sur l’arbre qui renferme une ruche ; et si les chasseurs tardent à s’y rendre, il redouble ses cris, vient au-devant d’eux, et par plusieurs allées et venues la leur indique d’une manière très-marquée. Tandis que l’on se saisit de ce que contient la ruche, il reste dans les environs, et attend sa part, qu’on ne manque jamais de lui laisser. L’existence de ces oiseaux est précieuse pour les Hottentots ; aussi ne voient-ils pas de bon œil l’homme qui les tue.

Quoique les Hottentots soient mangés de poux, comme on l’a déjà remarqué, les Européens, au contraire, ne sont pas plus tôt arrivés au Cap, qu’ils se trouvent délivrés de cette vermine.

Les scorpions du Cap sont aussi dangereux par leur venin que par leur nombre.

On trouve au Cap une sorte d’araignée noire de la grosseur d’un petit pois blanc ; sa morsure est fatale, lorsque l’antidote est appliqué trop tard.

La morsure d’un millepieds du Cap est aussi mortelle que celle du scorpion.

La mer voisine du Cap nourrit des phoques, et entre autres, celui que l’on a nommé lion de mer. Ils viennent souvent se chauffer au soleil sur les rochers et les îlots répandus le long de la côte.