Acadie/Tome III/08

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Texte établi par Henri d’Arles, J.-A. K.-Laflamme (Tome 3p. 247-264).

CHAPITRE TRENTE-SIXIÈME[1]


LES ACADIENS DANS LA PENSYLVANIE, LES CAROLINES, À BOSTON ET DANS LE MARYLAND.


L’on ne connaît qu’approximativement le nombre des Acadiens qui furent débarqués à tel ou tel endroit des provinces royales du continent[2]. À l’exception de Boston, où il en fut débarqué près de 2,000, il n’en fut laissé qu’un très petit nombre dans les ports de la Nouvelle-Angleterre[3]. Le Connecticut en reçut pour sa part 300 et New York 200. Le reste fut distribué dans le Maryland, les Carolines et la Géorgie. Lawrence avait exécuté son projet avec une précipitation telle qu’il n’avait même pas demandé préalablement aux gouverneurs des diverses provinces l’autorisation de leur envoyer des proscrits. Son intérêt était évidemment de faire transporter ceux-ci aussi loin que possible, de les diviser en une infinité de groupes qui seraient éparpillés partout, mais il avait à tenir compte du bon vouloir des gouverneurs. Boston offrait l’inconvénient d’être bien rapproché de la Nouvelle-Écosse : là, du moins, il pouvait espérer beaucoup de la complaisance du gouverneur, qui était instruit de ses projets ; et cependant, la nouvelle de l’arrivée des Acadiens y suscita, ainsi qu’ailleurs, un mécontentement général.

Soit que l’on ne put les loger, soit que l’on ne voulût pas s’en charger, partout l’on fit des objections au débarquement de ces infortunés ; partout on les regardait comme des êtres dangereux pour la sécurité publique. Les préjugés contre tout ce qui touchait au catholicisme avaient atteint un tel degré d’intensité, dans toutes les classes de la société, que l’on reste stupéfait à la lecture des Mémoires et des documents publics de cette époque. L’étonnement qu’ils font naître est sans doute ressenti par tous ceux qui se livrent à l’étude de ce passé, que ceux-ci soient ou non les fils de ceux qui entretenaient ces ridicules alarmes. Il n’était pas de complot, si déraisonnable qu’il fût, dont on ne supposait qu’un catholique ne pût se rendre coupable[4] ; Cette poignée de gens inoffensifs, et qui s’étaient montrés tels alors qu’ils tenaient dans leurs mains le sort de l’Acadie, — accablés qu’ils étaient maintenant sous le poids du malheur, sans armes, sans argent, créait un inconcevable malaise, tout comme si la sécurité du pays eût été menacée par leur présence. Il n’en fallait pas davantage pour éteindre dans les cœurs la bienveillance et la pitié, et pour conduire à des actes de cruauté une nation naturellement généreuse et hospitalière. C’est ce qui arriva à Boston, à Philadelphie, et dans la plupart des endroits où le sort jeta les Acadiens.

À Philadelphie, où abordèrent, le 19 novembre, trois navires chargés d’exilés, l’on ordonna aux Acadiens de s’éloigner du port. « Le gouverneur Morris, dit Philip H. Smith[5], tomba dans une grande alarme ; » et le jour même de l’arrivée de ces bateaux, il écrivit au gouverneur Shirley dans les termes que voici :

« Deux vaisseaux sont arrivés ici avec plus de 300 Français neutres de la Nouvelle-Écosse, que le gouverneur Lawrence a envoyés séjourner dans cette Province, et je suis dans un grand embarras pour savoir que faire de ces gens. Étant donné que nous n’avons de force militaire d’aucune sorte, notre population s’inquiète à la pensée de voir un certain nombre d’ennemis répandus à l’intérieur du pays : ces français pourront s’aboucher avec leurs compatriotes et se joindre à eux dans la campagne qu’ils mènent actuellement contre nous ; ou, de concert avec les Irlandais et les Allemands catholiques, ils pourront fomenter des troubles dans cette province-ci et la province voisine. J’ai donc l’honneur de solliciter vos instructions particulières concernant ce que je dois faire de ces gens-là et la meilleure manière d’en disposer. Entre temps, j’ai fait placer à bord de chacun des navires une garde que j’ai choisie parmi les recrues qui se trouvent maintenant dans cette ville, et j’ai fait fournir à ces neutres des provisions qui devront être payées par le gouvernement de Sa Majesté, car il n’y a aucun fonds pour cela dans le trésor de la province[6]. »

Jonathan Belcher, juge-en-chef du New-Jersey, père de Jonathan Belcher, juge-en-chef de la Nouvelle-Écosse et conseiller de Lawrence, poussait encore plus loin les ridicules appréhensions. Écrivant au gouverneur Morris, peu de temps après, il s’exprimait ainsi :

Je suis vraiment surpris qu’il ait pu entrer dans l’idée de ceux qui ont ordonné l’expulsion de ces Français neutres, ou plutôt de ces traîtres et rebelles à la couronne d’Angleterre, d’en diriger aucun sur ces provinces, où déjà nous avons un trop grand nombre d’étrangers pour notre avantage et notre sécurité. Je pense qu’ils auraient dû être transportés directement dans la Vieille France, et je suis entièrement de l’opinion de Votre Honneur, que ces gens pourraient, d’un moment à l’autre, se joindre aux papistes irlandais, pour la ruine et la destruction des colonies du roi. Si l’on essaie de faire un débarquement ici, (Elizabethtown,) je pense que je dois au roi et au peuple confié à mes soins de faire tout mon possible pour l’empêcher[7]. »

Smith, après avoir cité d’autres exemple^ montrant toute l’étendue des préjugés qui régnaient à cette époque, ajoute : « Si tous ces récits n’étaient pleinement appuyés sur des preuves incontestables, l’on aurait peine à y ajouter foi, tant ils sonnent étrangement, depuis que les préjugés nationaux et l’intolérance religieuse se sont dissipés devant la lumière de la science et grâce à la bienfaisante influence de l’Évangile[8]. »

Le 24 novembre, le gouverneur Morris adressa un message à la chambre des Représentants de l’État, déclarant qu’il ne croyait pas prudent de permettre le débarquement des exilés, mais qu’il avait donné des ordres pour en laisser descendre quelques-uns sur l’île Province, attendu qu’une maladie contagieuse s’était déclarée à bord de l’un des bateaux[9].

Que pouvaient espérer ces malheureux d’une population fanatisée à ce point ? « Quelques citoyens de Philadelphie n’eurent pas honte de proposer de les mettre en vente comme esclaves ; les Acadiens se révoltèrent avec toute la fierté et l’indignation de leur sang français et protestèrent par des requêtes contre ce criminel projet qui n’eût pas de suite[10]. » Heureusement que l’honneur de la Pensylvanie fut racheté par beaucoup d’hommes importants qui se laissèrent toucher par tant d’infortune. Petit-fils de ces exilés qui, comme les Acadiens, avaient été chassés de leur patrie, Bénezet fit taire ses légitimes rancunes religieuses pour ne se rappeler que les souffrances dont les neutres français étaient les victimes. Il se dévoua à leur soulagement avec une touchante sollicitude et contribua puissamment à alléger leur sort. Plus favorisés que ceux de leurs compatriotes qui avaient été déportés ailleurs, ils eurent également le bonheur de rencontrer dans le Père Hardy un missionnaire compatissant et dévoué qui leur offrit les consolations spirituelles et leur donna le courage de supporter plus patiemment leurs afflictions. « Mais, dit Casgrain, ils étaient devenus semblables à des plantes arrachées du sol ; ils ne pouvaient plus se reprendre à la vie. Plus de la moitié moururent peu de temps après leur arrivée. La nostalgie les tuait autant que la misère ; comme l’exilé antique, ils expiraient en tournant les yeux vers leur patrie[11] : »


et dulcis moriens reminiscitur Argos


Les minutes de l’assemblée de la Pensylvanie contiennent le passage suivant : « Antoine Bénezet, appelé à comparaître devant la chambre, déclare qu’il a visité les Français neutres dans les navires mouillés actuellement au milieu de la rivière, non loin de la ville, et qu’ils les a trouvés dans un grand état de besoin en fait de couvertures, de chemises, de bas et d’autres objets indispensables. Après qu’il se fut retiré, la chambre résolut d’autoriser le dit Bénezet à faire les dépenses qu’il jugerait raisonnables, pour assister les Français neutres présents dans cette province[12]. »

Après bien des pourparlers et des hésitations, le débarquement fut enfin autorisé. Beaucoup de ces malheureux étaient à bord des bateaux depuis près de trois mois ; l’on conçoit sans peine que cet entassement à fond de cale, dans des navires surchargés, joint aux fatigues de la mer, au chagrin, à une nourriture grossière et insuffisante, dût affecter la santé de ces gens et contribuer à l’effrayante mortalité dont nous venons de parler. Pendant les deux premiers mois qui suivirent leur débarquement, ils reçurent, tant de la Législature que de la charité privée, tous les secours que requérait leur situation. Dans la requête qu’ils présentèrent à l’assemblée, par l’entremise de Jean-Baptiste Galerne, en février 1756, nous lisons ceci : « Nous devons bénir Dieu que le sort ait permis que nous fussions envoyés en Pensylvanie, où nous avons été secourus dans nos besoins, et où nous avons été traités, de toute manière, avec bienveillance et charité chrétienne[13]. »

Mais il ne devait pas en être longtemps ainsi. La charité se lasse vite d’une assistance prolongée. Les Acadiens demandaient soit à être rendus à la liberté, afin de rejoindre, en tel ou tel lieu, leurs compatriotes ; soit à être transportés à quelque endroit que ce fût, en France ou dans une colonie française ; ou enfin, si l’on ne pouvait accéder à aucune de ces propositions, ils réclamaient une dernière faveur, celle d’être considérés et traités comme prisonniers de guerre. Pour empêcher d’être livrés à leurs propres ressources, ainsi qu’on les en menaçait, ils avaient joint à la requête dont nous venons de parler un mémoire où se lit ceci « Nous désirons que des mesures soient prises pour notre subsistance aussi longtemps que nous serons détenus ici. Si cette humble requête nous est refusée, et qu’on laisse mourir nos femmes et nos enfants sous nos yeux, jugez quelle sera notre douleur ! N’eût-il pas mieux valu pour nous mourir dans notre pays natal[14] ? » Leur prière ne devait cependant pas être exaucée, car la Législature décida que tous ceux qui étaient en état de travailler seraient distribués à travers la Province où « l’occasion leur serait donnée de se livrer aux labeurs et industries auxquels ils étaient accoutumés ». Cette résolution de l’Assemblée jeta la consternation parmi les exilés. Réduits à deux cent dix-sept, de quatre cent cinquante qu’ils étaient à leur départ de Grand-Pré et de Port-Royal, leur affliction en face d’une telle perspective ne connut plus de bornes. Ces femmes, ces maris, ces enfants, qu’on allait de nouveau séparer, se récrièrent avec indignation contre un pareil procédé. « Plutôt nous réunir dans la mort qu’être à nouveau démembrés, disaient-ils ! Nous travaillerons, si nous pouvons en avoir le courage et la force, mais nous resterons ensemble. » On leur offrit des terres. des outils. Mais toutes ces offres furent repoussées, parce qu’elles impliquaient séparation. Et ceux d’entre eux qui se décidèrent à aller travailler dans les districts ruraux, n’y furent pas acceptés. « Tel était, dit Philip H. Smith, le préjugé entretenu en ce temps-là contre des gens d’une autre religion, que l’on refusa d’employer ceux des neutres qui s’offraient à travailler. » « Plusieurs d’entre eux, a dit l’un des commissaires nommés pour s’enquérir de leur condition, William Griffitts, ont été plusieurs semaines de suite sans voir ni pain ni viandes, et un certain nombre ont été forcés de piller et de voler pour ne pas mourir de faim[15]. »

Ce nouvel appel à la charité, et plus encore peut-être ces actes de pillage pour apaiser leur faim, précipitèrent sur les exilés le malheur qu’ils redoutaient le plus : la séparation. L’Assemblée décida de prendre à sa charge les vieillards, les malades et les infirmes, mais obligea les parents à céder leurs enfants mineurs pour qu’ils fussent placés au service des particuliers. Leurs suppliques, à l’effet de conjurer l’effet de cette décision, témoignent que le coup qu’elle leur portait était le plus sensible qu’ils pussent subir. Ils demandèrent à nouveau d’être mis en liberté, mais leurs touchantes prières ne devaient être entendues que par l’ange de la mort[16].

Désespérant de rien obtenir de ce côté, les déportés firent une dernière tentative, et cette fois, c’est au Souverain lui-même qu’ils s’adressèrent. Cette requête, que nous reproduisons en entier dans nos Appendices, est d’une émouvante simplicité ; elle porte en elle l’accent d’une conviction profonde à laquelle il est difficile de résister. Ce document est la défense des Acadiens, telle qu’ils la présentèrent eux-mêmes. Comme il est le seul de cette nature, dans cette cause ex parte, il eût été convenable pour le compilateur des Archives de l’insérer dans son volume à côté des lettres de Pichon, etc. Il l’avait sous les yeux, puisqu’elle se trouve dans Haliburton[17].

« Ce qui restait de ces neutres à Philadelphie, occupait sur la rue des Pins (Pine Street) une rangée de petites chaumières en bois, connue longtemps sous le nom de Neutral Huts. C’est là qu’ils s’éteignaient lentement, lorsque, au printemps de 1757, arriva à Philadelphie un des plus hauts dignitaires que la Grande-Bretagne eut envoyés dans cette colonie. Lord Loudun, commandant-en-chef des armées anglaises en Amérique[18], » — celui-là même qui fut appelé dérisoirement le héros de la cabbage planting expédition, — l’expédition des planteurs de choux — par les citoyens d’Halifax[19] « Lord Loudun ne s’arrêta que peu de jours à Philadelphie, où son passage donna lieu à des fêtes et à des démonstrations publiques ; toutefois, il y séjourna assez longtemps pour montrer que sa haute position ne le mettait pas à l’abri des plus vulgaires préjugés de son temps. Il se fit donner le chiffre exact de la population de la Pensylvanie, afin de prévenir les terribles dangers qui pouvaient résulter d’une conspiration papiste. Au rapport du Père Hardy, cette population s’élevait à peine à 2,000 âmes, réparties entre Anglais, Irlandais et Allemands. Les Acadiens comptaient alors pour si peu que le missionnaire ne crût pas qu’il valut la peine de mentionner leurs noms dans son rapport. Il semble qu’il ne restait plus de place que pour la pitié envers ces tristes débris, dont la misère était si extrême en ce moment que l’Assemblée elle-même, qui s’était montrée si dure à leur égard, s’en était émue, et avait passé un acte pour les recommander aux officiers publics, « afin, y disait-on, de les empêcher de mourir de faim[20]. »

Le traître Pichon, qui, depuis la déportation, résidait à Halifax, se trouvait alors, croyons-nous, de passage à Philadelphie. Avant d’aller jouir à Londres du fruit de sa trahison, il voulût témoigner de l’importance de ses services à un homme de la situation de Lord Loudun. Comme officier français, se disant captif tout comme les Acadiens, et feignant de s’apitoyer sur leur sort, il lui avait été facile de gagner la confiance de ces malheureux, qui avaient soif de consolations, pour les trahir jusqu’à la fin. Le résultat de ses entrevues avec Loudun fut l’arrestation de Charles Le Blanc, Jean-Baptiste Galerne, Philippe Melançon, Paul Bujauld et Jean Landry, « comme étant des individus suspects et mal intentionnés, ayant proféré des paroles menaçantes contre Sa Majesté et ses loyaux sujets ». Nous devons faire remarquer que les Acadiens avaient fait remettre à Lord Loudun, lors de son passage à Philadelphie, un mémoire, écrit en français, où ils exposaient leurs plaintes. « Je le leur ai renvoyé, écrivait Loudun, en leur disant que je ne pouvais recevoir aucun mémoire des sujets de Sa Majesté, si ce n’est en anglais. Sur quoi ils se sont réunis en assemblée générale et ont résolu de n’envoyer aucune requête, si ce n’est en français. Ils en sont venus, m’a-t-on dit, à cette résolution, parce qu’ils se regardent comme sujets français. »

Ce refus, de la part de Loudun, de considérer leur requête, parce qu’elle était en français, avait pu causer du mécontentement parmi les Acadiens ; mais il est fort probable qu’il ne s’agissait de rien de plus sérieux. Et cependant, sans autre forme de procès, sur la foi du rapport de Pichon, dont Loudun connaissait les antécédents puisqu’il les raconte au ministre William Pitt, les malheureux que nous venons de mentionner furent arrachés à leurs familles déjà si éprouvées, placés à bord de vaisseaux de guerre et exilés de nouveau[21]. « On ignore[22], quel fut, dans la suite, le sort de ces infortunés, coupables d’avoir élevé la voix au nom de leurs compagnons d’exil et d’avoir osé s’exprimer en langue française, [la seule dont ils pouvaient faire usage. Ce furent là, probablement, autant de familles qui furent à jamais désunies[23].] « Dès lors, toute plainte devenait un crime, et il ne restait plus qu’à mourir en silence. Aussi, à partir de ce moment, on ne trouve plus aucune trace de réclamations de la part de ces malheureux. Le dernier écrit officiel qui les concerne a toute la tristesse d’une épitaphe ; c’est une requête d’un entrepreneur de cercueils, adressée, en 1766, à l’Assemblée, et conçue en ces termes[24] :

« Pétition de John Hill, charpentier, de la ville de Philadelphie, à l’Assemblée, exposant que le pétitionnaire a été employé, de temps en temps, à fabriquer des cercueils pour les Français neutres, qui sont morts dans la ville et ses environs, et que ses comptes ont été régulièrement reconnus et payés par le gouvernement, jusqu’à ces derniers temps ; qu’il est informé, par les commissaires qui avaient coutume de le payer, qu’ils n’ont plus de fonds entre leurs mains pour l’acquittement de tels comptes ; que, n’ayant reçu aucun contre-ordre depuis le dernier règlement, il a fait seize nouveaux cercueils, (ainsi qu’il appert d’après le compte ;) en conséquence, il prie l’Assemblée de voir à ce que les matériaux et son travail lui soient payés[25]. »



  1. Dans le MS. original — fol. 751 — il y a seulement chapitre. Mais, cette fois, il y a un Sommaire.
  2. Dans le MS. id. fol. il y a États-Unis. Mais, nous avons cru préférable de substituer à ces mots ceux de provinces royales du continent. C’était le terme en usage à cette époque.
  3. Dans la note 34 de notre chapitre XXX, nous avons dit un mot du refus du New-Hampshire de recevoir un seul de ces malheureux. Voici un supplément d’informations à ce sujet :

    Le New-Hampshire et les Acadiens Déportés.

    Provincial Papers, Documents and Records Relating to the Province of N. H. from 1749 to 1763, vol. VI.

    Letter from Lt. Gov. Phips (copied from MS. Govrs. Messages, vol. II, p. 347.)

    Boston, Novr. 19th 1755.

    Sir,

    At the désire of Capt. Shirley Commander of His Majesties Ship the Mermaid. I would acquaint your Excellency that the Neutral French, who were to be transported from Annapolis River to this Province appear to be quite as many as they were computed to be at first, when the destination of the whole (including those of Mines & Chinecto) among the English Provinces & Colonies was agreed upon, so that this Province, instead of having one thousand, there will bave two thousand persons sent hither besides thirty Families already arrived here from Chinectio, above what was at first intended : Now Capt. Shirley is at a Loss to have these Supernumeraries disposed of and apprehend that some part might without Inconvenience to your Province be sent thither, & will Write to your Excellency upon this subject, and desires me to do the same : & hope your Excellency will think it may be for His Majesty’s Service (if not convenient of your Province) that some part of these French People should be received into the same.

    I am with much respect, Sir, your Excellency’s most obdt. humble servant,

    S. Phips.


    His Excellency Benning Wentworth, Esq.

    Le 27 novembre, le gouverneur Wentworth, ainsi qu’il appert d’après les mêmes Prov. Papers, soumit la question aux Gentlemen of the Council and of the Assembly, leur demandant de la prendre en immédiate considération. (La chambre d’assemblée se tenait à Portsmouth.)

    Shirley, de son navire le Mermaid, adressait, le 24 nov. 1755, à Wentworth, une lettre relative au même point, et dans laquelle il lui disait :

    « … You are undoubtedly sensible of the dangers these poor wretches must run in going round to New York, Philadelphia, Virginia, Carolina, etc., at this

    late season of the year… I take this liberty of writing to you & must beg

    the favour to know what proportions you imagine you then take of them, that I may the more easily judge how I shall dispose of them… » — P. 446 des

    P. P.

    Et voici quelle réponse le conseil et l’assemblée firent à ces demandes :

    «  The committee appointed to take under considération His Excellency’s Message of the 27th ultimo to both Houses relating to his several letters (viz) : … Lieut Gov. Phips of 19th and Cap. W. Shirley of the 24th of same month, have maturely considered the same and do report as followeth, viz : … as to Lieut. Gov. Phips & Capt. Shirleys Letters relating to receive into this government a number of the neutral French brought up from Mines & Chinecto, as to which wo are of opinion it would not be for His Majesty’s interest to receive any of said French people into this government, it being a long frontier & but thinly inhabited & so near the French and Indian settlements that it would be of a dangerous consequence to this His Majesty’s Province.

    I on the name & by orders of the committee.

    Portsmouth, dec. 19th 1755.

    D. Warner.

    (report accepted,) P. 451 des P. P.

  4. Le MS. original — fol. 752 — a ici la phrase suivante qui a été biffée : « Les documents publics les plus sérieux ne désignent jamais autrement les catholiques ou les choses du catholicisme, que par les expressions Papists, Popish, romanists, romish superstitions, etc… »
  5. Op. laud — Au ch. The Acadians in Pennsylvania. P. 228-9-30-1.
  6. Cf aux app. Gén. des Fam. ac. etc. Cf. Casgrain, Pèlerinage etc. P. 167-8. Les trois navires arrivés à Philadelphie étaient le Hannah, le Three Friends, le Swan ; contenant 454 personnes.
  7. Dans le MS. original — fol. 754 — ce document, ainsi que le précédent, est donné en anglais d’après Smith. À la fin du précédent, Richard a mis (« Trad. française dans Casgrain, p. 167-8 ».) Nous avons, en effet, recouru au Pèlerinage pour le texte français. Cf. Penna. Archives, 574.
  8. Op. land. P. 230.
  9. Pèlerinage… P. 171.
  10. Casgrain. Pèlerinage… P. 170.

    Huliburton est le premier à avoir affirmé ceci : « They landed in a most déplorable condition at Philadelphia. The Government of the Colony, to relieve itself of the charge such a company of miserable wretches would require to maintain them, proposed to sell them with their own consent ; but when this expédient for their support was offered for their considération, the Neutrals refused it with indignation, alledging that they were prisoners, and expected to be maintained as such, and not forced to labour. » I. P. 182. — Cette affirmation est répétée littéralement dans les notes d’une édition (l’Évangéline, parue à Londres, en 1853. — Or, le 24 mars 1856, William B. Read a donné devant la Société Historique de Philadelphie une étude dont le texte imprimé se trouve aux Archives de la Mass. Histor. Society, et dans laquelle il a voulu défendre la Pensylvanie d’une pareille accusation : « In this retrospect of a sad chapter of local history, I find nothing to wound the proper pride, or excite the blush of Pennsylvania, and no where a trace of truth to justify the wanton aspersion on our fame, that Pensylvania sold, or wished to sell, or thought of selling these, or any other human beings into slavery. The only color for it cornes in the shape of a very slight tradition embalmed in Mr. Vaux’s Life of Benezet. It is this : « Such was Benezet’s care of the Neutrals that it produced a jealousy in the mind of one of the oldest men among them of a very novel and curions description, which was communicated to a friend of Benezet, to whom he said : « It is impossible that all this kindness can be disinterested : Mr. Benezet must certainly intend to recompense himself by treacherously selling us. » — When their patron and protector, adds Mr. Vaux, was informed of the ungrateful suspicion, it was so far from producing an emotion of anger or indignation, that he lifted up his hands and laughed immoderately. » P. 88. — Pointless as this gossiping anecdote is, the aspersion on our character rests on no other foundation. » — Ainsi, d’après les documents produits par Read, et qui sont les seuls qui soient sur la question, il apparaît clairement que l’accusation portée contre la Pensylvanie n’a aucun fondement. Cf. Aux appendices toute cette étude, fort bien faite, de W. B. Read.

  11. Pèlerinage… T. 170. Tout ce qui précède est également emprunté à Casgrain avec des variantes insignifiantes. Le vers est de Virgile, Æneidos, lib, X.. V. 782. « Mourant, il se souvient de sa chère Argos. » Delille a ainsi traduit : … et loin de sa patrie,

    « Songe à sa chère Argos, soupire, et rend la vie, » ce qui, comme simplicité et comme harmonie, est loin de valoir l’original.

  12. Le MS. orig. fol. 756-7 donne ce texte en anglais, (d’après Smith.) Richard a mis entre parenthèses : « trad. fr. dans Casgrain, p. 171. »
  13. Le texte anglais de cette Requête est aux appendices. Casgrain, ch. VIII du Pèlerinage… l’a traduite en entier. Les mots que nous venons d’en extraire sont dans le corps de la Requête. Le MS. original — fol. 757 — commet donc une erreur quand il dit, pour introduire sa citation : « Leur première requête à la Législature se termine ainsi. »
  14. Encore ici, Richard — fol. 758 — cite en anglais et introduit sa citation comme ci-devant : « … ils adressèrent dans ce sens une requête à la Législature, laquelle se termine ainsi. » Il semble que ce soit une requête tout à fait différente de la précédente, tandis que Casgrain dit qu’il s’agit ici d’un mémoire adjoint à la dite requête et soumis à l’Assemblée en même temps.
  15. Le MS. original — fol. 759 — donne le texte anglais ; Casgrain l’a traduit, p. 181. Dans l’un et dans l’autre, cela est donné comme tiré d’une requête des Acadiens. Voici au contraire ce que prétend Read, dans son étude plus haut citée : « On the meeting of the Assembly, in october 1756, there is a sad révélation on its records, of the sufferings of these poor people, made, too, not by them, but by one of the kindest of the voluntary almsgivers. It is the petition of William Griffitts, one of the Commissioners. Disease and death had been busy among the Exiles. Many died of the small pox, and but for the care that had been bestowed upon them, many more would have perished miserably. The overseers of the rural townships refused to receive them. The prejudice against the foreigners prevented the employment of those who were willing to work, « and many of them — says this paper — have had neither meat nor bread for many weeks together, and been necessitated to pilfer and steal for the support of life. » — Entre parenthèses : (Votes of the assembly.) P. 645.)

    Cette révélation a donc été faite, non par les Acadiens eux-mêmes, mais par l’un des commissaires, William Griffitts.

  16. Tout ceci est tiré de Casgrain, p. 181-2, mais un peu arrangé par l’auteur. Cette dernière parole toutefois est textuellement dans un Pèlerinage. P. 182.
  17. I. P. 183 & seq.
  18. Un Pèlerinage… P. 183. C’est nous qui avons mis les guillemets que Richard avait oubliés. Cela est tiré d’ailleurs de l’étude de Read : « Mr. Watson, in his Annals, tells us that for a long time the remuant of the Neutrals occupied a row of frame buts on the north side of Pine Street, between Fifth and Sixth, on property owned by Mr. Powell or Mr. Emlen, and those ruined houses, knowned as the Neutral Huts, are remembered distinctly by persons now living. » — (Read écrivait en 1856.)
  19. Le MS. original — fol. 760 — a le renvoi marginal suivant à Murdoch : « Not only his military skill, but his courage and integrity were questioned. It is, therefore, not surprising to learn that « the multitude shouted at the news of his being recalled to England ». — Hist. of N. S. vol. II. P. 315.

    Immédiatement avant ces mots, Murdoch dit : « His (Loudun) career iu America was distinguished mainly by inefficiency, and his military opérations confined principally to the celebrat « cabbage planting expédition », at Halifax, 1757. »

  20. Un pèlerinage, ibid. Cf. Read, loc. cit., à qui Casgrain emprunte tout ceci, sans l’indiquer. Voici la lettre du Père Hardy à Lord Loudun : « Honored Sir, — I send you the nunmbers of Roman Catholics in this town, and of those whom I visit in this country, Mr. Sneider is not in town to give an account of the Germans, but I have heard him often say that the whole number of Roman Catholics, English, Irish, and Germans, including men, women and children, does not exceed two thousand. I remain, Robert Hardy. »

    « The poor remnant of French Neutrals did not seem worth counting ! »

  21. Tout ce passage demande des éclaircissements : « Pichon, dit l’auteur, se trouvait alors, croyons-nous, à Philadelphie. » — Nous prions d’abord le lecteur de consulter, au ch. XVI, de notre tome deuxième, les notes 11 et 12. L’on y verra que Pichon, fait ostensiblement prisonnier avec le reste de la garnison, lors de la prise de Beauséjour en 1755, fut conduit à Pisiquid, (Windsor,) puis à Halifax. En 1758, il vint à Londres où il résida jusqu’à sa mort arrivée en 1781. Aucun document ne mentionne qu’il se soit trouvé à Philadelphie au moment du passage de Loudun, ni même qu’il y soit jamais venu. Sans doute, dans la pièce LXXXXdes Documents inédits sur l’Acadie, Canada-Français, tome II, p. 136-7-8, sous la rubrique : Casual hints from the Letters of Pychon, le traître a écrit ceci ; « Si vous avez lu tout ce que je vous ai écrit, il y a quelques jours, vous aurez vu que je désire que de l’année prochaine et au commencement, (il écrit en novembre 1745,) vous pussiez me faire prisonnier dans le fort même de Beauséjour, pour m’envoyer avec tout ce que vous me promettez de flatteur pour moi à Philadelphie. Là je ne cesserois peut-être pas de me rendre utile. »

    Et un peu plus loin, dans une lettre « A Monsr Scott », Pichon dit encore :

    « … J’ose me flatter que je pourrois servir à quelque chose encore, soit à Philadelphie, que je prefererois, ou dans la Nouvelle-Écosse… » — Cependant, son désir d’aller à Philadelphie continuer son triste rôle de traître et d’espion a-t-il été réalisé ? C’est un passage de la lettre de Lord Loudun à William Pitt, en date du 25 avril 1757, et donnée par William B. Read dans son étude déjà mentionnée (Casgrain, Pèlerinage, p. 184, traduit cette lettre, mais la donne comme du 25 avril 1758, ce qui est une grosse erreur.) qui a porté l’auteur d’Acadie à supposer la présence de Pichon à Philadelphie ; et cette supposition repose sur une interprétation peut-être vraie du texte de Loudun. Voici en effet, ce qui y est dit : « Captain Cotterell, who is Secretary for the Province of Nova Scotia, and is in this country for the recovery of his health, found among those Neutrals one who had been a spie (sic) of Colonel Cornwallis and afterwards of Governor Lawrence, who he tells to me had behaved well both in giving accounts of what those people were doing and in bringing them intelligence of the situation and strength of the French forts and in particular of Beauséjour ; by this man (Est-ce Cotterell ? est-ce Pichon ?) I learnt that there were five principal leading men among them who stir up all the disturban ce these people make in Pensilvania (sic) and who persuade them to go and join the enemy and who prevent them from submitting to any regulation made in the country, and to allow their children to be put to work… »

  22. Le MS. original — fol. 763 — emprunte à un Pèlerinage, p. 185-6, tout ce qui suit jusqu’à la fin de ce chapitre, excepté la phrase entre crochets ; nous avons mis les guillemets.
  23. La lettre de Loudun à Pitt avait été communiquée à Read par Bancroft. Elle était inédite. Au sujet de la prétention de Loudun de « ne recevoir aucun mémoire des sujets de Sa Majesté, si ce n’est en anglais », — Read fait cette réflexion : « The indignity of petitioning in French sounds strangely to us a century later. » Ce monsieur était sûrement droit, libéral et bien pensant. Mais le monde a beau vieillir, l’état d’esprit ne change guère, du moins chez les anglo-saxons. Combien, chez les Anglais du Canada, par exemple, trouveraient encore tout naturel ce qu’a fait Loudun, et seraient tout prêts, non-seulement à l’absoudre, mais à l’imiter ! Et aux États-Unis même, quel réveil du vieux fanatisme constatons-nous, ces années-ci, au point de vue linguistique en particulier ! En vérité, ce que nous voyons dément la thèse du progrès indéfini de l’humanité. De progrès réel dans le monde, il ne peut y en avoir que par le christianisme, ou mieux le catholicisme. Or, il est de toute évidence que l’esprit américain s’éloigne de plus en plus du christianisme, même incomplet, défloré, faussé, qui l’imprégnait à son origine. Il y a régression vers ce qui ne vaut même pas le paganisme antique, un versement dans un matérialisme tel que le monde n’en a jamais connu de semblable. Et cela nous vaut ces belles explosions de principes attentatoires aux droits les plus naturels et à la liberté la plus élémentaire !
  24. « It is on the 4th of January 1766. » Read, loc. cit.
  25. Le MS. original — fol. 764 — porte le renvoi marginal suivant : « L’auteur de ce travail peut retracer plusieurs de ses parents qui faisaient partie de ce groupe d’exilés, entr’autres : le notaire René Le Blanc, sa femme et cinq de ses enfants ; Étienne Hébert, frère de notre ancêtre Honoré Hébert ; séparé de tous ses parents, il s’était engagé au service d’un officier de l’armée ; Tranquille Le Prince, mort avant de revoir ses parents dispersés en d’autres endroits et réfugiés au Canada ; aussi un Le Blanc qui mourût vieux garçon et fort riche. Sa fortune retourna à l’État. »

    Au sujet de ce dernier, l’édit. anglaise renferme un supplément d’informations. (II. P. 239.) : « There was also, but not related to the author, one Charles Le Blanc, who died there about 1828, an old bachelor with considérable property. He was about 12 years old when deported there ; his parents and his only sister, younger than he, were deported elsewhere, and finally settled at St. Grégoire, P. Q. The destruction of the Acadian Archives, by order of Lawrence, made it impossible for Charles Le Blanc’s sister and her heirs to prove their relationship to him, so that their efforts to secure his property were fruitless. It is yet held by the city of Philadelphia and is said to be of great value. »

    Au cours de ce chapitre, il est question d’Antoine Bénezet, dont le nom est cher aux descendants des proscrits acadiens. Voici quelques notes sur cet homme admirable, que nous pouvons, j’oserais dire, réclamer comme ayant appartenu à l’âme de l’Église catholique :

    « Bénezet (Antoine) l’un des premiers défenseurs de la liberté des nègres, né à St-Quentin en 1713, m. en 1784. Son père, chassé de France par la révocation de l’Édit de Nantes, vint s’établir à Londres en 1715. En 1731, alla avec sa famille à la Nouvelle-Angleterre et se fixa à Philadelphie. Renonçant alors au commerce, Antoine Bénézet résolut de se vouer à l’instruction et au soulagement de ceux de ses semblables qui, à cause de leur couleur, étaient jugés par les préjugés, en dehors de l’espèce humaine. Il adopta avec ardeur les principes religieux des quakers et surtout leurs opinions sur l’affranchissement des nègres. En 1762, il publia son premier volume sur cette question : Relation historique de la Guinée avec une recherche sur l’origine et les progrès de la traite des nègres, sur sa nature et ses déplorables effets. Bénezet publia, en 1767, un nouv. ouvrage intitulé : avertissement à la Grande-Bretagne et à ses colonies ou Tableau, abrégé de l’état misérable des nègres esclaves ds. les dominations anglaises. Il fonda à Philadelphie une école pour l’instruction des noirs, et la dirigea avec un zèle et un dévouement qui ne se démentirent jamais. » — N. B. G. V. P. 353.