Almanach olympique pour 1920/05

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Imprimeries Réunies. S. A. (p. 18-20).

Art sportif.

« C’est de la sculpture vivante ! » s’écriait un artiste en contemplant une pléiade d’athlètes s’entraînant, demi-nus, à la course, aux sauts, aux lancers. C’est de la peinture animée, pourrait-on dire tout aussi justement en regardant se détacher sur le tapis d’herbe et le fond de tableau formé par la forêt voisine les footballers vêtus de jerseys aux nuances vives. Et comment se fait-il que sculpteurs et peintres soient si longs à s’apercevoir que des sources nouvelles d’inspiration et d’étude leur sont nées, des sources très variées et très intactes, dans lesquelles ils ont toute facilité pour puiser, car le mouvement sportif ne se ralentit guère d’un bout de l’année à l’autre et, peu à peu, il s’est étendu à la terre entière.

Si donc l’occasion a cette abondance, il faut que l’artiste éprouve comme une répugnance ou tout au moins une timidité à en profiter. Et c’est bien cela, sans aucun doute ; il y a là une modalité d’un instinct plus général qui paralyse l’art moderne : la peur de la forme, la peur de la silhouette. Il semble que tout contour accusé soit un péril, qu’il se trouve engendré par la netteté de la ligne ou par des oppositions de coloris. Pendant des années a triomphé la recherche du flou. Et si, plus récemment, une réaction s’est esquissée, elle n’a encore pour représentants qu’une avant-garde de maniaques ou de détraqués que la poursuite d’un « m’as-tu vuisme » malsain incite assurément, bien plutôt que le souci du progrès.

Il n’est pas possible cependant que les véritables amants de l’art ne se laissent pas bientôt entraîner dans une voie féconde. Et la chose se fera sitôt qu’une fausse pudeur ne les retiendra pas de prendre des croquis, de noter des attitudes et des mouvements sur le champ de jeu et sur la berge, au gymnase comme à la salle d’armes, partout où l’exercice intensif voit son culte célébré par des jeunes gens passionnés et ne se ménageant pas.

Que si le côté utilitaire de la question venait à être discuté — et pourquoi ne pas l’envisager car il peut l’être fort honorablement ? — nous dirions que l’art sportif est susceptible de bénéficier de nombreux débouchés. Nombreux sont, en effet, les monuments — lycées, écoles, universités pour commencer, et ensuite musées, promenades et lieux publics — que la représentation de l’athlétisme peut embellir de ses silhouettes éducatives et saines. Mais c’est ici l’offre qui doit provoquer la demande. Et tant que les Expositions, les « Salons » annuels seront encombrés des vieux sujets éternellement ressassés, il est naturel que l’opinion ne s’éprenne pas d’un genre d’art dont on lui refuse le moindre échantillon et dont elle continue d’ignorer les ressources.

Montrez-les lui hardiment et vous verrez qu’elle répondra aussitôt à l’appel.