Anna Rose-Tree/Lettre 29
XXIXme LETTRE.
Andrew,
à Miſs Anna Rose-Tree ;
à Londres.
- Miss,
Pardonnerez-vous à l’infortuné Andrew
d’oſer élever ſa voix juſqu’à vous, de
qui, ſans doute, il eſt abſolument oublié.
Et de quel droit oſerois-je m’en plaindre ?
Que puis-je eſpérer ? Le ciel en me refuſant
les moyens de plaire, a complété mon malheur,
puiſqu’il m’a laiſſé un cœur ſenſible.
Je ſuis deſtiné à ſouffrir éternellement : mes
maux dureront autant que mon amour, &
ce dernier me ſuivra au tombeau. Adorable
Miſs, daignez-vous quelquefois penſer à celui
qui vous adore. Votre abſence cruelle a
verſé ſur mes jours une amertume qui ne
ſe diſſipera que par votre préſence. En vous
voyant je recevrai une nouvelle vie. Être
ſans ceſſe à portée de vous admirer, voilà
où ſe bornent tous mes déſirs. Que les Gens qui ſont auprès de vous ſont heureux ? vos
yeux ne refuſent pas de ſe fixer ſur eux ;
ils entendent cette voix enchantereſſe, &
moi je n’ai pour tout bien que le ſouvenir
d’un bonheur qui a paſſé comme l’ombre. Je
crois quelquefois que ce n’eſt qu’une illuſion.
Je me rends juſtice, & je n’oſe penſer… Il
eſt pourtant vrai que la belle Anna a paru
n’être pas inſenſible à ma tendreſſe, qu’elle
m’a permis de croire que je n’aimois pas une
ingrate. Jour heureux ! je t’ai payé par bien
des larmes. Mes lèvres brûlantes ſe poſèrent
ſur une main d’ivoire, vous ſouffrîtes cette
innocente liberté…… Où me conduit
mon imagination frappée ? Le bonheur
a fui loin de moi. Je paſſé mes jours dans
les regrets, & mes nuits dans les larmes. Un
mot, un ſeul mot de votre jolie main, Miſs,
ſeroit un baume pour mes plaies. Par pitié
ne refuſez pas ce ſecours au malheureux