Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 01/Géométrie, article 9

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QUESTIONS RÉSOLUES.

Solution, avec la règle seulement, du dernier
des deux problèmes proposés à la page 259 de ce
volume[1] ;
Par M. Servois, professeur de mathématiques à l’école
d’artillerie de Lafère.
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Problème. Soient (fig. 1.) les traces, sur un même plan , de trois directrices dirigées d’une manière quelconque dans l’espace, et sur lesquelles une quatrième droite se meut et décrit une surface gauche ; soient de plus les traces, sur le plan , de la génératrice, dans deux de ses positions soit enfin une droite menée, d’une manière quelconque, par le point , sur le même plan .

Il s’agit de déterminer, sur cette droite , le point , autre que où elle coupera la trace de la surface gauche sur le plan , et de construire, pour ce point , la tangente à cette trace.

Solution. 1.o Soit considéré comme la trace d’un plan mené par et soient désignées respectivement par et les intersections de ce plan avec et .

2.o Par et soit imaginé un plan (), et soit désignée par l’intersection de ce plan avec

3.o Les trois points , sont dans les deux plans et par conséquent à leur intersection, qui est une position de la génératrice et qui donnera évidemment le point cherché , au point de concours de la trace avec la trace du plan

4.o Un point de la trace du plan est évidemment le point de manière qu’il ne s’agit que d’en trouver un second. Soient le point où la génératrice coupe la directrice et le point où la génératrice coupe la directrice  ; la droite étant dans le plan la trace de cette droite sera un second point de celle du plan

5.o La droite est dans un plan dont la trace est  ; elle est aussi dans le plan des trois points mais est la trace du plan est la trace du plan et ces deux plans contiennent visiblement (4.o) les points  ; donc le point de concours des traces est la trace de la droite . De plus les points sont, à la fois, dans le plan dont la trace est (1.o) , et dans le plan dont la trace est  ; donc ils sont à l’intersection de ces plans ; et partant, le point de concours des traces est la trace de la droite , Ainsi, la droite , qui joint les traces des deux droites , est évidemment la trace du plan de ces deux droites, c’est-à-dire, du plan

6.o Donc (5.o) la trace de la droite est au point de concours des deux traces et  ; par conséquent (4.o) le point est un second point de la trace du plan laquelle est donc .

7.o Ainsi, on a, pour déterminer le point , cette simple construction : parmi les points donnés, étant le premier, le second, le troisième, le quatrième et le cinquième (cet ordre est établi arbitrairement) ; joignez le 1.er au 2.e, le 2.e au 3.e, le 3.e au 4.e et le 4.e au 5.e ; marquez le point de concours de la droite , menée arbitrairement par le premier point, avec la droite , qui passe par le troisième et le quatrième ; marquez aussi le point de concours de la droite , qui passe par le premier et le deuxième, avec qui passe par le quatrième et le cinquième ; menez qui concourra en avec qui joint le deuxième et le troisième points ; joignez enfin le cinquième au point par une droite qui coupera au point cherché.

8.o  est la trace d’un plan qui passe par et par une génératrice qui s’appuie sur les trois droites considérées comme directrices. On sait que cette seconde génération de la surface est permise, et que la trace d’un plan passant par et est tangente à la section au point .

9.o Soit le point où la droite coupe la droite . Les points sont, à la fois, dans les plans et et est (4.o) sur et donc la trace de la droite est au point de concours des traces et .

10.o Les droites et , se coupant en , sont dans un même plan dont la trace est  : puisque le point est celle de (5.o) et le point celle de (9.o).

11.o La droite , qui est dans le plan , est aussi dans le plan , dont la trace est , donc la trace de est le point de concours de avec .

12.o Ainsi est la trace d’un plan passant par et par , c’est-à-dire, passant par les deux droites et , puisque la première passe par (3.o) et par , et que la deuxième passe aussi par et par le point (9.o) ; et par conséquent est la tangente demandée ; ce qui fournit cette construction : joignez le point avec un quelconque des points assignés, le quatrième par exemple ; joignez, avec le premier, et le quatrième avec le troisième, par des droites qui concourront en  ; menez par le premier et le deuxième la droite , concourant en avec et joignez  ; menez encore par les deuxième et troisième points la droite , concourant en avec  ; alors en menant , cette dernière droite sera la tangente demandée.

Remarque I. Les constructions trouvées sont connues ; la première (7.o) fait le fond de l’ouvrage de Brackenridge, De descriptione curvarum (1728). Mac-Laurin lui en a disputé l’invention, dans les Transactions philosophiques ; mais je ne crois pas que l’on soit parvenu encore à les démontrer d’une manière aussi simple ; et même je n’en connais que des démonstrations d’une fatigante complication. Ici, au contraire, on les contemple par la vision intuitive, s’il est permis de s’exprimer ainsi.

Remarque II. Les lignes ponctuées de la première construction sont supposées dans l’espace ; mais, si on les projète, d’une manière quelconque, sur le plan  ; elles fourniront une nouvelle construction du point . En effet, il n’est pas difficile de voir que les points (ce dernier étant au concours de avec ) sont en ligne droite ; ainsi, en prenant, à volonté, dans le plan , les points , sur l’arbitraire , je détermine au concours de et  ; puis au concours de avec , et donnera, sur , le point demandé[2].

  1. On intervertit ici l’ordre des solutions, parce que celle-ci conduit à un principe qui sert à la démonstration de l’autre.
    (Note des éditeurs.)
  2. On sait que, cinq points, d’une courbe du second degré étant donnés sur un plan , cette courbe est entièrement déterminée.

    D’un autre côté, cinq points étant donnés sur un plan , on peut toujours supposer que trois quelconques d’entre eux, sont les traces, sur ce plan, des trois directrices et les deux autres les traces, sur le même plan, de deux situations de la génératrice d’un paraboloïde hyperbolique. Si en effet par les points et , on conçoit, dans l’espace, deux droites et , non comprises dans un même plan, mais dirigées d’ailleurs d’une manière quelconque, on pourra toujours assujétir trois droites à passer respectivement par et à reposer de plus sur et . Considérant alors comme les trois directrices d’un paraboloïde hyperbolique, ce paraboloïde se trouvera entièrement déterminé ; et sa trace sur le plan , laquelle sera une courbe du second degré, passera par les cinq points donnés

    On voit par-là qu’à cause de la direction arbitraire de et cinq points de la trace d’un paraboloïde elliptique sur un plan ne suffisent pas pour déterminer ce paraboloïde ; mais qu’ils déterminent néanmoins sa trace sur ce plan.

    Ainsi, le problème qui vient d’être résolu revient à celui-ci : Cinq points d’une courbe du second degré étant donnés, et une droite étant menée arbitrairement sur leur plan, et par l’un d’eux ; déterminer, sur cette droite, avec la règle seulement, un sixième point de la courbe, et construire en outre sa tangente en ce point ?

    On voit en même tems que cette solution fournit implicitement une démonstration de ce beau et important théorème : Six points quelconques du périmètre d’une courbe du second degré étant numérotés arbitrairement 1, 2, 3, 4, 5, 6 ; si est le point de concours de la droite qui joint les points 1 et 2 avec celle qui joint les points 4 et 5 ; que soit le point de concours de la droite qui joint les points 2 et 3 avec celle qui joint les points 5 et 6 ; et qu’enfin soit le point de concours de la droite qui joint les points 3 et 4 avec celle qui joint les points 6 et 1 ; les trois points seront situés sur une même ligne droite.

    On peut consulter, sur les nombreuses conséquences de ce théorème, un mémoire de M. Brianchon, dans le XIII.e cahier du Journal de l’école polytechnique.

    (Note des éditeurs.)